Ce mot minuscule et invariable incite à réfléchir par trois fois avant d'oser s'exprimer. Le numéro1 de la revue Lettres & langues de la faculté des lettres et des langues de l'université d'Alger est paru en juin 2006, mais l'on vient seulement d'en faire la livraison. La particule arabe «bal», prend parfaitement sa place ici, nous exposant et nous expliquant les difficultés, plus générales, de la mise en oeuvre de tout projet intellectuel quand l'expression ou l'énoncé ne nous éclaire pas sur le rôle ou le pouvoir de cette particule. Ce sujet est si bien abordé par Nadia Bakiri et c'est certes «Pour une grammaire linguistique et contrastive dans l'enseignement des langues», qu'il laisse à penser combien est grand le pouvoir de cette particule dans la communication et combien est brillante sa séduction lorsqu'elle étourdit l'esprit peu enclin à la subtilité ou à la nuance qui n'apparaît pas à la surface. Voilà une invite qui nous encourage à mieux connaître notre langue «nationale» et, fortement débarrassés de quelque complexe, à nous frotter sans crainte aux puissants de ce monde dont la langue s'impose dans le concert des nations. Au reste, cette tâche, rapportée à l'apprentissage de la langue, revient à l'enseignant dont le devoir, ainsi que le souligne Nadia Bakiri, est d'aider l'apprenant qui «est sur un terrain inconnu» et de «l'aider à en faire la reconnaissance des lieux». Dans son article Entre savoirs et compétences: l'université à la croisée des chemins, Faïza Bensemmane porte justement sur l'urgence à élaborer une stratégie spécifique capable d'associer harmonieusement la formation des étudiants et la formation des enseignants. L'idée s'inspire d'une expérience ancienne vécue où l'on a pu constater «que, pour la plupart des étudiants, la vie universitaire est un parcours long, difficile, semé d'embûches, avec des lendemains incertains.» En fait, l'université se serait astreinte à «communiquer des savoirs, et seulement des savoirs» tandis qu'«il s'agit d'aider les étudiants à ´´créer du nouveau´´ en mettant l'accent sur la présentation de situations décontextualisées telles que la résolution de problèmes, qui leur permettent de reconstruire, de généraliser, de retrouver et d'ajuster leurs savoirs dans des situations nouvelles.» La question reste, semble-t-il, encore posée aujourd'hui: «Que faire pour que notre enseignement favorise la transformation du savoir en savoir-faire?» Peut-être faut-il voir du côté de la formation des enseignants et concevoir, un programme intégrant l'art (ou la compétence à acquérir) de transposer les «savoirs épistémologiques en savoirs didactiques.» Dans le présent numéro de la revue Lettres et langues, on remarque un équilibre très étudié dans le nombre des articles en langue arabe et en langues étrangères (anglais, français, russe). Une introduction significative rappelle d'abord les exigences éditoriales de la revue puis s'enchaînent des articles en séries de droite à gauche et inversement, selon la langue. Bien que ces articles d'universitaires constituent essentiellement des études linguistiques et littéraires, ils devraient trouver un public curieux d'apprendre encore. Il y a, en effet, des analyses et des commentaires intéressants, par exemple: Aux sources des valeurs spirituelles africaines (M'hamed Bensemmane), Bachir Hadj-Ali ou la parole poétique à l'épreuve du pathétique (Malika Hadj-Naceur), L'Evolution de la traduction en Algérie (Wahiba Terkmani, d'après un résumé en arabe), Ressemblances et différences entre les deux langues arabe et hébraïque (Mahmoud Khyari), Le texte littéraire est-il un espace de dialogue? (Ibrahim Sahraoui)... Pourtant, à quelques rares exceptions, et ici encore comme ailleurs, ces belles recherches de nos universitaires créent parfois une gêne. Après, peut-être, deux générations d'universitaires algériens, il semblait possible d'espérer ne plus avoir à observer notre pays et ce que nous sommes à travers des études toutes faites où l'on va puiser des citations sur mesure pour étayer -«bal!»- pour affirmer sans retenue une conception désolante du destin de nos chercheurs...Demandons-nous avec ce chercheur lucide: «Que faire pour favoriser la transformation du savoir en savoir-faire?» Et bravo aux initiateurs de la revue Lettres & langues en souhaitant que cette publication soit au moins semestrielle pour éprouver son utilité et par là assurer son droit d'exister.