- Comment jugez-vous le projet de code de l'information présenté à l'Assemblée nationale ? Je considère qu'il y a beaucoup de régression par rapport à l'ancien code et même à la première mouture élaborée par le ministre de la Communication, Nacer Mehal. Malgré son exposé des motifs qui donne la primauté au droit d'informer du journaliste et à celui d'être informé du citoyen, il est en parfaite régression parce qu'il consacre un recul de la liberté d'expression. - Quelles dispositions jugez-vous liberticides ? Déjà, il est en contradiction avec son exposé des motifs, si on se réfère à son article 2 qui soumet l'exercice de l'activité à différentes restrictions, notamment les exigences de la politique extérieure, les impératifs de l'ordre public et le secret de l'instruction. Or, le journaliste n'est ni un diplomate, ni garant de l'ordre public, ni une autorité qui concourt à l'instruction. Le seul impératif qu'il doit prendre en compte est le droit d'informer. Un principe sur lequel repose la liberté d'expression. Ce projet de code comporte plus de restrictions que de libertés. Sur la question de l'agrément par exemple, nous sommes passés de la liberté d'édition à l'autorisation d'édition. Je m'explique : si l'on se réfère à la loi de 1990, il suffisait d'une demande déposée au niveau du parquet, pour qu'un récépissé soit remis sur-le-champ pour permettre la sortie d'une publication. Il consacrait le principe de libre édition, quand bien même détourné par le ministère de la Justice. Par contre, le nouveau code a consacré le régime de l'autorisation. Cela veut dire que pour éditer, il faut une autorisation délivrée par une autorité de régulation qui a le droit de la rejeter. Le projet a supprimé les règles protectrices énoncées timidement dans la première mouture du ministre de la Communication et qui sont l'exception de vérité, la prescription de moins en contrepartie de la dépénalisation des délits de presse. En fait, ce qu'il a donné d'une main il l'a repris de l'autre… - Vous avez déclaré à la presse que cette dépénalisation n'est qu'une parodie. Pouvez-vous être plus explicite ? Pour moi, ce n'est qu'une parodie, parce qu'elle ne concerne pas la diffamation et l'injure, les délits qui constituent 99% des plaintes déposées contre les journalistes. La dépénalisation, telle que définie dans l'article 44 bis et 44 bis 1, touche en réalité l'offense au Président, l'injure et la diffamation contre les tribunaux, les cours et l'ANP. Sur un autre volet, nous aurions souhaité que le projet de texte soit celui des libertés et non pas de l'information, qui est un concept qui met en suspens les libertés. Il aurait fallu avoir une loi sur la liberté d'expression et non pas un code qui a pour motivation de réglementer l'information. Le souci est de faire un texte en termes de liberté et non de régulation. De plus, en matière de codification, les initiateurs auraient dû intégrer dans ce texte tous les délits connus ailleurs, entre autres, dans le code pénal, pour donner aux journalistes le statut particulier qu'ils doivent avoir.