Une nouvelle bavure militaire plonge deux familles algériennes dans le deuil. La lutte contre le terrorisme est encore une fois avancée pour justifier des «accidents» trop répétés et dont les victimes ne sauraient être considérées comme des «dommages collatéraux». C'est inacceptable et inadmissible, cette légèreté avec laquelle on met fin à des vies, tantôt sur un coup de panique, tantôt par une incompétence. Pour une armée qui se targue, dans les forums internationaux, d'avoir vaincu le terrorisme et qui se doit d'être garante de la sécurité des citoyens, ce n'est sûrement pas avec de tels «actes» qu'elle joindra le geste à la parole. La région de Kabylie est plongée dans une insécurité continue et inquiétante, alors que la population est loin d'être connue pour faire le lit aux visées idéologiques du GSPC ou d'AQMI, qu'importe le nom des groupes terroristes qui y prospèrent et continuent d'y activer, alors qu'ils ont été chassés du reste du territoire national. Que cache donc l'instabilité sécuritaire dans cette région ? Du phénomène cyclique des kidnappings à celui des bavures militaires, les habitants de la région, pris en tenaille, sont soumis à un traumatisme permanent et s'interrogent légitimement sur le pourquoi d'un tel châtiment. Dans un Etat où les institutions se respectent, la haute hiérarchie des services de sécurité se doit de rendre des comptes ; des enquêtes sont ouvertes et des sanctions sont prononcées. La Kabylie c'est aussi l'Algérie et on ne peut pousser ainsi toute une région au pourrissement, au risque de voir apparaître d'autres formes de violence. L'armée en est à sa troisième bavure en six mois. Veut-on nourrir le doute sur le caractère accidentel de ces actes ? Le caractère répétitif des bavures militaires dans cette région et pratiquement dans le même périmètre (Azazga) laisse planer de sérieuses incertitudes qui ne peuvent être dissipées à l'heure où le mutisme est érigé en seul mode de communication des autorités du pays en matière de lutte contre le terrorisme. Provocation est le mot qui vient à l'esprit de tout un chacun en constatant ce renouvellement d'accidents. Mais à quelle fin ? A qui profiterait de livrer ce bastion de lutte pour la démocratie à l'embrasement et l'incertitude ? Outre son aspect irrévérencieux et honteux, le silence des hauts responsables du pays sur cette question touche au droit des citoyens à être informés. On ne «bunkerise» pas la capitale pour laisser les villes alentour en proie aux attaques de tous bords. La sécurité est un droit fondamental pour tous les Algériens et il est du devoir des autorités de le garantir. Laisser libre cours aux gâchettes faciles est irresponsable et pousse à s'interroger sur l'efficacité de cette lutte contre le terrorisme qui a tendance à trop confondre les cibles.