Lors des Victoires de la presse, dont c'est la première édition en France, El Watan a reçu, lundi soir à Lyon, dans le prestigieux cadre du grand chef Paul Bocuse, le trophée de la liberté de la presse, décerné par le département Press Freedom de la Wan-Ifra. Lyon. De notre correspondant El Watan a été distingué, lundi soir à Lyon, par le trophée de la liberté de la presse. L'information a fait du bien à toute l'équipe du journal qui se bat quotidiennement depuis 20 ans pour garantir le droit à l'information de qualité. Les retombées de ce trophée viennent d'ailleurs rendre hommage à l'ensemble de la profession qui a payé chèrement l'exigence des citoyens d'être correctement informés. La distinction a fait aussi visiblement plaisir à nos lecteurs qui, depuis hier, nous envoient des messages d'amitié et de sympathie sur notre site web. Justement, ce lien de plus en plus dynamique entre la version papier du journal et sa déclinaison sur internet a été l'une des spécificités de cette première édition des Victoires de la presse, organisées par la Wan-Ifra, association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d'information qui représente plus de 18 000 publications dans le monde, 15 000 sites web et plus de 3000 sociétés, dans plus de 120 pays. Avant la cérémonie, le colloque ouvert au siège du Conseil régional Rhône-Alpes a largement tenté de résoudre l'équation difficile de la relation entre contenu payant et contenu gratuit. Le thème proposé était : «Entreprendre le futur de la presse - Quels managers, pour quel avenir ?» Pour le directeur mondial de la Wan-Ifra, Christophe Riess, les gains des versions des journaux grâce à la pub sur les sites internet ne compensent guère les pertes sur la version imprimée. Pourtant, devait affirmer Jim Roberts, du New York Times, la visibilité des journaux sur la Toile leur est bénéfique, dont la reconnaissance en tant que marque est accrue. Vrai jusqu'à un certain point que n'hésitent plus à franchir des journaux de plus en plus nombreux, comme le même New York Times, ou encore Le Temps, quotidien suisse. Ils ont créé un «mur payant». Au-delà d'un certain nombre d'articles accessibles gratuitement, les internautes doivent payer s'ils veulent lire plus. Comment donner gratuitement ce qu'on vend par ailleurs sur une version papier ? Face à ces modèles finalement devenus classiques de titres de presse qui n'ont pas fini de s'interroger sur les limites entre accès gratuit et accès payant, le modèle des journaux gratuits vient semer le trouble. Le directeur de la rédaction de 20 minutes, quotidien gratuit distribué depuis 10 ans dans les grandes villes, Yvon Bezou, se voulait tranchant : «La bataille n'est pas celle des supports, mais celle des contenus.» Web ou papier ou multimédia, l'information c'est d'abord un produit citoyen qui conforte la démocratie. Ce que confirma en dernier lieu Max Armanet, de l'équipe de direction du quotidien Libération : «La démocratie c'est la presse.» L'essentiel est de tenter de trouver une porte de sortie dans ce monde en profonde mutation technologique, l'internet sur ordinateur (déjà en voie de passer au rang de vieillerie) est doublé par les accès multiples à l'info : smartphones, iphones, tablettes numériques… Comment fera-t-on pour continuer de donner gratuitement d'un côté ce qu'on vend par ailleurs sur une version papier ? Une question qui, si elle est cruciale en France, le deviendra nécessairement en Algérie, à brève échéance. En tout cas, les participants ont relevé qu'il fallait poser des questions, mais ne surtout pas prétendre avoir des solutions toutes faites, face à la complexité des enjeux. Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, a su, à sa manière, conclure la réflexion en rappelant qu'aujourd'hui «le journaliste n'a plus le monopole de l'information». Face à la «révolution du métier qui fait que le journaliste doit travailler pour plusieurs supports, il ne faut pas que cela amène la réduction du temps de recherche et de travail de recoupage de l'information». Rester donc en éveil et ne pas s'arrêter de se poser des questions, voilà l'impératif des dirigeants de presse aujourd'hui. Liberté et qualité de la presse, voilà en tout les deux challenges prégnants à surmonter aujourd'hui, deux combats qui s'imposent aujourd'hui particulièrement aux pays du Maghreb confrontés à des évolutions brusques et déstabilisatrices. Outre l'Algérie par le biais d'El Watan, le Maroc a d'ailleurs aussi été honoré à Lyon, à travers le groupe de presse Eco-Medias, créé à Casablanca en 1991, qui a obtenu le trophée de l'innovation éditoriale. Le groupe édite deux quotidiens, l'Economiste en français et Assabah en arabe, deux magazines (l'Economiste Magazine et Majallat Assabah) et dispose d'une chaîne de radio, Atlantic. Le groupe vient aussi de créer l'Ecole supérieure de journalisme et de communication (ESJC), en partenariat avec l'Ecole supérieure de journalisme de Paris. Nadia Salah, directrice des rédactions d'Eco-Medias, était présente pour recevoir sa distinction des mains du directeur général du Progrès, Pierre Fanneau. L'animatrice de la soirée lui a demandé si elle a de l'appréhension face à l'arrivée d'un gouvernement marocain dominé par les islamistes. Avec sincérité et spontanéité elle a répondu : «Ce ne sera pas la première fois que nous lutterons pied à pied face à un gouvernement.» Voilà qui n'est pas une promesse de lendemains tranquilles.