Mondial 2026 (Qualifs)/Botswana-Algérie: les Verts à pied d'œuvre à Gaborone    Secousse tellurique à Médéa: aucune perte en vie humaine et matériel n'a été enregistrée    Plusieurs activités programmées à l'occasion de la Journée internationale des forêts jeudi prochain    L'ANS et l'ONJSA organisent une collecte de sang jeudi à la Coupole    Accidents de la route: 22 morts et 1327 blessés en une semaine    Nouveau massacre sioniste à Ghaza: appel à "une intervention internationale urgente"    Adoption du projet de règlement intérieur de l'APN    Frappes sionistes sur Ghaza: au moins 330 martyrs    Le Syndicat des Journalistes Palestiniens condamne les attaques sionistes contre les journalistes    Les Ensembles de musique "El Ferda" et "Imerhane" enchantent le public algérois    Manifestations à Washington et New York pour exiger la libération d'un étudiant miilitant palestinien    Le Chabab plus entreprenant que les Usmistes    Ligue mondiale : Cylia Ouikène sacrée en Chine    Victoire du NR Chlef devant Seddouk VB    M. Arkab en visite lundi dans la wilaya de Béchar    Le Groupe «Saidal» envisage d'augmenter son chiffre d'affaires à 35 Mds DA en 2025    Vague d'indignation après l'expulsion de juristes espagnols par les autorités d'occupation    Le marché populaire de Z'kak Souafa, destination préférée des jeûneurs    Près de 6 quintaux de café subventionné saisis    Le mois de Ramadhan entre spiritualité, solidarité et générosité    Une avancée stratégique vers la souveraineté numérique    Le Plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé par arrêté interministériel    Coup d'envoi de la manifestation    La Radio culturelle organise une conférence    Mobilis rend hommage à d'anciennes gloires de la JSK    63e anniversaire de la Fête de la Victoire : l'APN organise une Journée d'étude mardi    Ramadhan: "abondance" des produits alimentaires    L'amélioration de l'attractivité des structures destinées aux jeunes au cœur de la stratégie du secteur    La superficie totale des périmètres irrigués à travers le pays sera portée à 3 millions d'hectares    Le président du HCI met en avant le rôle des institutions religieuses dans la protection de l'identité de la nation    Quatre terroristes se rendent aux autorités militaires à Bordj Badji Mokhtar    Le terroriste Al-Joulani adoubé par la France commet un génocide contre la communauté alaouite    Le temps de déposer les armes près de Koursk presse pour Kiev    L'Algérie engagée à autonomiser les femmes et à promouvoir leurs droits politiques et sociaux    Guelma: lever de rideau sur le 9e festival culturel local de l'Inchad    Epreuves restreignant la dynamique associative en Algérie        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



C'est encore loin l'Afghanistan ?
Publié dans El Watan le 26 - 01 - 2006

De Spojmaï Zariâb, j'apprends que le caftan quand il est noir est synonyme de virilité ombrageuse. Née à Kaboul en 1949, l'écrivaine afghane vit en France depuis 1991, et c'est sans doute pourquoi son œuvre commence à se faire connaître. Si elle vivait encore en Afghanistan, si elle écrivait encore en persan, elle n'existerait pas, inaudible pour le centre incontestable de la reconnaissance hier comme aujourd'hui : l'Europe et la France particulièrement.
Traduit en français et publié en 2001, un recueil de 13 nouvelles vaut à Spojmaï Zariâb une notoriété confortable et méritée, à laquelle n'est sans doute pas étrangère une actualité violente : d'abord l'invasion soviétique, puis, surtout, le sinistre épisode des talibans qui en disait long sur la façon très visible qu'avaient les Afghans de ne pas traiter du tout leurs femmes, les renvoyant à leur impossible féminité. L'Afghanistan, c'est loin depuis longtemps. Le pays des talibans s'est éloigné avec l'actualité qui regarde ailleurs, vers la violence toujours. Que deviennent ces femmes que l'on servait à chaque J.T. pour dire l'horreur de là-bas ? Là-bas, me dit Spojmaï Zariâb, le caftan est noir, et il n'est ni festif ni joliment féminin comme ici. Elles étaient si jolies les burkas qui traversaient le décor d'un Afghanistan livré à la poussière et à la pilosité. Dévoilant les nuances de bleu, ciel et ardoise, électrique et roi, somptueux lapis-lazuli, vous les avez vues, comme moi, naviguer en silence sur la terre des hommes, fendant un espace interdit à la peau douce et nue.
Un espace interdit
Le regard grillagé, les Afghanes paraissaient presque libres, fortes de leur intérieur de femme concentrationnaire. La burka bleue les rendait intouchables, jolies lépreuses d'un Moyen-Age sans clochettes. Juste du bleu pour faire écran, joli et protecteur, dehors. Dedans, loin des caméras, quand le voile tombe, la réalité rétablit le son et hisse l'image. Dans Le caftan noir, l'avant-dernière des 13 nouvelles de Spojmaï Zariâb, je retrouve certaines nuances du bleu sur le corps de Aïcha régulièrement battue par son mari Ismaël. Des bleus qui virent au violet dès la première nuit comme pour habituer la peau aux coups qui pleuvent, coups de poing, coups de pied. Et puis, le caftan noir va s'asseoir dans un coin, fumer sa pipe à eau en maugréant. « Je te tuerai, fille de rien. » Aïcha ne dit rien. On ne l'entend jamais. Elle n'a qu'un souci : protéger sa deuxième fille à naître. C'est sûr, ce sera une fille. C'est une année à filles, a dit la vieille bonne en voyant Aïcha se traîner, énorme sous le poids de sa deuxième fille.
L'aiguille plantée
La première est morte, droguée par une poudre verte censée la faire taire la nuit quand Ismaël aspire au sommeil et qu'il s'énerve. Grossier caftan noir d'où émergent une tête percée de deux yeux qui ne savent exprimer que haine et mépris, et d'un orifice obscur d'où jaillit la voix qui vocifère. « Je te tuerai, fille de rien. » « Alors le caftan noir s'agitait, les manches prenaient leur élan et les poings s'abattaient sur le visage de Aïcha ; son visage s'enflammait. Elle tournait alors son regard vers sa fille... mais ne croyez pas que pendant ce temps toute pensée s'arrêtait à l'intérieur du caftan noir ! Il en sortait par le bas deux gros pieds mal équarris qui venaient s'abattre de toute leur force sur la poitrine de Aïcha, sur ses reins et ses cuisses. Elle se tordait de souffrance pendant que le caftan noir continuait de s'adonner à ses gesticulations frénétiques. » Des bleus à cacher Aïcha ne dit rien. Un léger coup de pied dans son ventre. Rappel à l'ordre des certitudes. Aïcha voit un autre caftan noir, le même caftan noir s'agiter, lancer ses manches d'où sortiront des coups de poing, soulever le bas pour que deux pieds mal équarris viennent s'abattre de toute leur force sur les reins de sa fille, sa poitrine et ses cuisses. Des bleus à cacher, des semaines sans pouvoir aller au hammam, le temps que le bleu vire à l'indigo puis enfin, au rose. Si douce et si rose la peau d'un bébé fille que Aïcha n'osait pas caresser sa première avec ses doigts gercés et crevassés. En silence, Aïcha est montée sur la terrasse. Elle s'est enfermée dans les toilettes nauséabondes. Elle a planté une longue aiguille à tricoter, longue et rouillée dans son ventre, en plein cœur de son bébé tendre et rose. Je nous tuerai, filles de rien. Ni médecins ni chauffage dans un paysage dévasté par la guerre. Loin des caméras, Aïcha est morte et enterrée, vidée de son sang rouge mêlé à la douceur intacte de son bébé fille. L'Afghanistan, c'est loin. Le caftan noir fume dans son coin sa pipe à eau. Il maugrée quelque chose que personne n'entend. On ne voit même plus les burkas bleues traverser l'horizon de nos incertitudes.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.