Osmane Hamid a perdu l'usage d'un œil au cours son incarcération à El Harrach, à cause d'un diabète mal soigné. Le juge refuse de lui accorder la liberté provisoire, ce qui accroît le risque de cécité totale l Son avocat dépose plainte pour «non-assistance à personne en danger» et saisit le Comité international des droits de l'homme à Genève. D'un ton coléreux, maître Miloud Brahimi s'offusque du rejet de la demande d'une liberté provisoire qu'il a introduite auprès du juge du pôle judiciaire spécialisé près la cour d'Alger, au profit de son mandant Osmane Hamid, poursuivi pour «détournement». Incarcéré depuis le mois de mai dernier à El Harrach, le prévenu souffre de diabète aigu qui a lui a fait perdre l'usage d'un œil et risque, dans les jours à venir, de le rendre totalement aveugle. Dans l'affaire, ils sont deux à faire l'objet des mêmes chefs d'inculpation pour un «détournement» d'une même somme. Pourtant, Osmane Hamid a été placé sous mandat de dépôt et son coaccusé a bénéficié de liberté provisoire. Son avocat Me Brahimi se déclare «impuissant» face «au danger» qui pèse sur lui, sachant dit-il, «que j'ai eu des informations de sources sûres selon lesquelles l'administration pénitentiaire a confirmé la gravité de la maladie de Osmane Hamid. Elle a même établi un rapport dans lequel elle reconnaît qu'elle ne possède pas les moyens pour une bonne prise en charge». L'avocat souligne avoir mis tous ses espoirs de voir son mandant retrouver sa liberté pour «sauver» l'œil qui lui reste, «mais le juge a mis brutalement fin à cet espoir en rejetant, à la fin de la semaine écoulée, la demande introduite à cet effet. Que veut-il au juste ? Le rendre aveugle avant qu'il ne quitte la prison ? Il s'agit de la santé d'un justiciable. Il n'est pas question de laisser le juge jouer avec». Pour Me Brahimi, «l'affaire est trop grave» pour la laisser passer : «En plus de l'appel que je vais faire, une plainte pénale sera déposée contre le magistrat instructeur pour non-assistance à personne en danger. En parallèle, une autre procédure sera introduite auprès du Comité international des droits de l'homme à Genève.» C'est la deuxième fois que des avocats algériens saisissent les instances internationales en matière de violation des droits de l'homme commises par des magistrats. La première fois, ce sont maîtres Miloud Brahimi et Tayeb Belarif, qui faisaient partie du collectif de la défense des cadres de Cosider, qui avaient, vers la fin des années 1990, introduit une plainte auprès du Comité des droits de l'homme de Genève pour dénoncer trois violations précises. Parmi celles-ci, deux ont été confirmées. Le gouvernement algérien a été épinglé ; il a été obligé d'apporter des réponses et, par la suite, de rectifier le tir. Aujourd'hui, Me Brahimi veut rééditer ce scénario : «Je suis convaincu que je vais obtenir gain de cause auprès du même comité. Il y va de la vie d'un justiciable.» S'adressant à Tayeb Belaïz, le ministre de la Justice, l'avocat déclare : «Vous dites que la justice est indépendante, moi je vous dis que l'Algérie est malade de sa justice.» Me Brahimi n'y est pas allé avec le dos de la cuillère à l'égard de M. Belaïz et préfère s'en remettre au président de la République, auquel il lance un SOS : «En tant que premier magistrat du pays, vous êtes le garant des libertés. Alors, je vous interpelle sur le cas de Hamid Osmane, qui souffre terriblement dans sa cellule à El Harrach, et craint de devenir totalement aveugle après sa sortie de prison. Il a déjà perdu un œil. De grâce faites qu'il préserve le deuxième, en lui permettant de se soigner à l'extérieur.» Me Brahimi ne s'«attend pas à un miracle», mais espère juste que «justice soit rendue et que la détention ne soit pas mortelle pour le justiciable qu'est Osmane Hamid».