L'Assemblée constituante tunisienne a accordé, vendredi soir, sa confiance au gouvernement, en approuvant, par majorité, sa composition établie par son chef, l'islamiste Hamadi Jebali. Après un débat qui a duré toute la journée, la liste a été soutenue par 154 voix, il y a eu 38 contre et 11 abstentions. La veille, M. Jebali a présenté, aux 217 élus de la Constituante issue des premières élections libres en Tunisie, la liste de son équipe, dont les ministères-clés vont au parti islamiste Ennahda, et a exposé les priorités de son programme. Ennahda détiendra notamment les ministères régaliens, de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice, dans ce cabinet qui compte 41 membres dont 30 ministres et 11 secrétaires d'Etat. Nourredine Bhiri, actuel porte-parole du parti, a été nommé à la Justice et Rafik Ben Abdessalem, gendre du dirigeant d'Ennahda, Rached Ghannouchi, aux Affaires étrangères. La désignation du M. Abdessalem a été critiquée par certains membres de l'Assemblée constituante présidée par Mustapha Ben Jafaâr. «Le passé des gendres du président déchu hante encore l'esprit des Tunisiens, qui ne sont pas prêts à voir cette sorte de relation surgir sur la scène politique», a lancé, lors du débat, la cinéaste Salma Baccar. «Que je sois le gendre de Ghannouchi m'honore, mais ma nomination n'a rien à voir avec cette relation. C'est ma compétence qui a mené Ennahda à me choisir», s'est défendu le nouveau chef de la diplomatie tunisienne. Ennahda s'est attribué également les ministères de l'Intérieur, de la Santé, du Transport, de l'Enseignement supérieur, de l'Environnement, de l'Agriculture, du Développement régional, de l'Investissement et de la Coopération internationale ainsi qu'un nouveau ministère des Droits de l'homme. Le cri de détresse de Moncef Marzouki Il est à rappeler que la formation du gouvernement tunisien de transition s'est effectuée dans un contexte de crise sociale extrême. La preuve : le président tunisien, Moncef Marzouki, a averti, vendredi, que son pays risquait un «suicide collectif», si les grèves et troubles sociaux, qui secouent l'économie depuis environ un an, se poursuivaient. «Si la machine économique tarde à reprendre rapidement, le pays va droit au suicide collectif. Une contre-révolution ou une révolution dans les régions marginalisées plongerait le pays dans une anarchie», a-t-il précisé dans un discours aux chefs d'entreprises réunis au siège de l'Union tunisienne pour l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica). M. Marzouki a déclaré «comprendre les motifs de ces grèves et de ces revendications». «Je leur demande de ne pas être responsables d'une telle catastrophe et de ne pas faire couler le bateau qui nous transporte ensemble, car ils sont en train de s'égorger et d'égorger la Tunisie», a-t-il lancé à l'adresse des grévistes et protestataires. Les grèves et les mouvements revendicatifs ont poussé des investisseurs étrangers à mettre fin à leurs activités dans le pays, comme le groupe japonais Yazaki, un des principaux fabricants de câbles automobiles dans le monde, qui a fermé mardi définitivement une de ses usines dans le centre-ouest tunisien. Le Président avait appelé, au début du mois, les partenaires sociaux à une «trêve sociale», visiblement sans grand succès. «Je m'adresse à vous pour vous demander de lever ces barricades sur les routes et d'arrêter ces grèves afin d'échapper à une tragédie. Aucun Etat ne peut accepter le suicide», a dit M. Marzouki souhaitant ne pas «avoir à appliquer la force de la loi si le dialogue échouait».