C'est probablement la première fois qu'un parti politique met en avant «la responsabilité historique» de l'Espagne dans le conflit du Sahara occidental. C'est justement ce que vient de faire le Parti populaire (PP), récent vainqueur des élections législatives. Ce qui veut dire qu'il le fait alors même qu'il accède au pouvoir. Une précision importante puisque, constate-t-on, l'opposition permet une certaine liberté qui disparaît lors de l'exercice du pouvoir. Le PP entend alors rompre avec cette règle non écrite, et surtout dans le contexte actuel joindre la voix de l'Espagne à celle du Parlement européen qui a décidé de mettre fin à l'accord de pêche liant, depuis en fait 1995, l'Europe et le Maroc. Un accord qui, faut-il le rappeler, inclut les eaux territoriales du Sahara occidental. Et aussi à celle des parlementaires américains qui ont décidé de conditionner l'aide militaire de leur pays au Maroc, au respect des droits de l'homme au Sahara occidental. En ces temps de crise qui a conduit à la défaite du parti socialiste de M. Zapatero, le PP aurait pu se contenter d'évoquer les moyens d'y faire, mais lui a préféré une déclaration-programme de politique, avec en son chapitre de politique étrangère, son soutien au processus de négociations entre le Maroc et le Front Polisario en vue de parvenir à une solution conformément aux résolutions du Conseil de sécurité garantissant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. «S'agissant de la question du Sahara occidental, nous soutenons le processus de négociations entre les deux parties, sous l'égide des Nations unies, en vue de parvenir à une solution conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, au droit international et à la responsabilité historique de l'Espagne», souligne le PP, qui a conduit et assumé en 2001 une crise avec le Maroc, quand celui-ci avait envoyé des gendarmes se positionner sur l'îlot Leila, juste au large des côtes marocaines, mais occupé par l'Espagne. La responsabilité historique de l'Espagne dans le conflit du Sahara occidental a été sans cesse relevée par les Sahraouis. Les centaines de comités espagnols de soutien au peuple avaient appelé aussi les autorités de leur pays à se positionner par rapport à cette question. Ce qui n'aurait été que dans l'ordre naturel des choses. L'Espagne, ancienne puissance administrante du Sahara occidental, avait décidé en 1995 de céder ce territoire au Maroc et à la Mauritanie, ce pays décidant par la suite de s'en retirer. Mais il est incontestable que l'Espagne avait agi contre le droit international, et ce, d'autant que le Sahara occidental est concerné par la résolution 1514 de l'ONU sur le droit à l'indépendance des territoires et peuples sous domination coloniale, comme le rappelle avec constance la commission de décolonisation des Nations unies. En 2003, le conseiller juridique de l'ONU avait souligné que le Maroc n'était qu'une puissance occupante, et ne pouvait prétendre au statut de puissance administrante. En 2005, les Etats-Unis et le Maroc avaient conclu un accord de libre-échange excluant le territoire sahraoui. De nombreux coups sont ainsi assénés au Maroc comme pour lui rappeler que sa situation est précaire, et qu'il n'est plus possible de voiler la réalité qui est son occupation du Sahara occidental. Avec l'Espagne, semble se dessiner une espèce de convergence que le monde ne pouvait ignorer, tant les annales de l'ONU sont bien fournies à cet égard. Parce que ce n'est pas peu, et même s'il ne s'agit que de cela, les spécialistes n'hésiteront pas à parler de signaux forts. La preuve pourrait en être donnée à l'occasion du prochain examen régulier de ce dossier par le Conseil de sécurité. Ou encore le prochain round de négociations entre les deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario.