La Ligue arabe continue de souffler le chaud et le froid par rapport au conflit en Syrie. Alors que le régime de Damas poursuit sa politique de la terre brûlée contre la population, au vu et au su de ses observateurs, l'honorable Ligue compte convoquer prochainement une réunion (encore une !) des ministres des Affaires étrangères pour étudier la conduite à tenir. Signe de cette duplicité de discours, le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al Arabi, a demandé hier que «les tirs s'arrêtent». Dans une conférence de presse au Caire, le chef des Arabes a cité les «derniers rapports» reçus par téléphone des observateurs sur place en Syrie, faisant état «de tirs et de tireurs embusqués» dans les villes syriennes. En clair, le bras armé de Bachar Al Assad continue véritablement de tuer malgré les belles assurances des observateurs de la Ligue, qui n'ont rien vu jusque-là. Conclusion de Nabil Al Arabi : «Il faut un arrêt total des tirs.» Pour autant, il pense devoir réunir les ministres arabes des Affaires étrangères pour évaluer la mission d'observation de la Ligue. Concrètement, les Arabes vont encore palabrer dans les salons cairotes sur la conduite à tenir, même après avoir constaté de visu les exactions du clan Al Assad. Pendant ce temps, des dizaines de personnes sont tuées presque quotidiennement. Signe de ce décalage diplomatique de la Ligue, des appels de plus en plus audibles appellent au retrait des observateurs depuis leur arrivée à Damas, le 26 décembre. Le régime syrien aura largement prouvé qu'il ne fait pas cas de ses invités, même s'il faut reconnaître qu'ils n'ont pas trop abusé de son hospitalité… Des envoyés très spéciaux… Pendant que les images montrent ces observateurs – qui, curieusement, ne voient rien – défilant comme des vedettes dans les rues de Damas sur les chaînes de télévision contrôlées par le régime, des personnes se font massacrer par des snipers. Hier des groupes d'observateurs effectuaient des tournées à Homs, Hama (centre), Deraa (sud) où le mouvement de contestation a débuté, et à Daraya, près de Damas, pour rendre compte de la situation, selon l'agence officielle Sana. Or à Homs, les observateurs sont allés visiter une cimenterie près de Rastane au lieu de se rendre dans cette ville où des milliers de manifestants ont été dispersés par des tirs en l'air, a souligné l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH)… Preuve en est que deux civils au moins ont été tués hier à Homs (centre) par les forces de sécurité et quatre autres ont été blessés. Un agriculteur a été tué lors de perquisitions menées dans le village de Chaffounié, près de Damas, à la recherche de militants, a rapporté l'OSDH. Des envoyés très spéciaux de la Ligue arabe qui ont irrité le président du Parlement arabe, Salem Al Diqbassi, au point de réclamer dimanche le «retrait immédiat» de ces observateurs qui sont, d'après lui, inutiles dès lors que «le régime syrien continue à tuer des civils innocents». Pour Salam Al Diqbassi, il s'agit rien moins que «d'une violation claire du protocole arabe qui prévoit de protéger le peuple syrien». De son côté, Jabr Al Choufi, membre du Conseil national syrien (CNS), pointe le fait que les observateurs soient «restés trop longtemps dans leurs hôtels avant d'être autorisés à sortir sur le terrain et leurs visites se font sous la surveillance des agents de sécurité du régime». La mission d'observation de la Ligue arabe a-t-elle donc échoué ? Nabil Al Arabi ne le dit pas ; mais il le suggère très bien.