Invité par la Société des étudiants musulmans à assister à la conférence intitulée : «Le monde sans sionisme» (The world without zionism), qui s'est déroulée le 26 décembre 2005 à Téhéran(1), Mahmoud Ahmadinejad a profité de cette occasion pour s'en prendre à l'entité juive, en usant de termes assez virulents. Cette réunion avait également pour but de jeter les bases de la future idéologie qui servira dorénavant à guider le mandat ultra-conservateur d'Ahmadinejad. Le président de la République islamique d'Iran a déclaré, lors de son discours d'ouverture et devant une assistance estimée à plus de 4000 personnes(2) toutes acquises à la cause palestinienne, sa volonté d'anéantir l'Etat d'Israël, en affirmant que «la création du régime sioniste qui occupe El Qods (Jérusalem), a été une manœuvre significative du système dominant et de la Globale Arrogance (l'Occident), contre le monde islamique». Globale Arrogance, d'où l'expression «BAO» pour «bloc américaniste/occidentaliste(3). Le président iranien faisait allusion à la déclaration du 2 novembre 1917 de Lord Balfour, alors ministre britannique des Affaires étrangères, suite à sa lettre ouverte(4) adressée à Lord Lionel Walter Rothschild (1868/1937), rédigée avec l'appui et l'assentiment de Chaïm Weizmann, alors président de la Fédération sioniste mondiale. C'est le contenu de cette lettre qui servira, par la suite, à la rédaction du traité qui portera le même nom (Traité Balfour), conclu entre la France et l'Angleterre, autorisant la création, en Palestine, d'un foyer national juif. Une telle déclaration est considérée comme la première pierre ayant permis l'édification de l'Etat hébreu. Arthur James Balfour (1848/1930), 1er comte de Balfour, avait déclaré, en effet, que le gouvernement de Sa Majesté encourageait l'installation du peuple juif en terre palestinienne(5), tout en reconnaissant implicitement qu'il avait de la sympathie pour le courant idéologique appelé «sionisme chrétien». Le docteur Chaïm Azriel Weizmann (1874/1952), qui était de son vivant un chimiste de renom et l'un des inventeurs de l'acétone qui servira à la fabrication du TNT, deviendra, au lendemain de la déclaration d'indépendance et de la création de l'Etat d'Israël, avec le soutien inconditionnel du président américain Harry Truman, son premier président pour un mandat de quatre années (1949 à 1952). Mahmoud Ahmadinejad lancera ensuite, toujours lors de cette rencontre, au grand dam des Israéliens et de leurs alliés indéfectibles, la fameuse recommandation qui a tant fait baver les défenseurs des questions existentielles de l'Etat hébreu, et qui disait nommément(6) qu'«Israël doit être rayé de la carte du monde, comme l'a dit l'imam», évoquant par-là le défunt ayatollah Khomeiny. Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, il s'attela à remettre en cause la Shoah, en déclarant que celle-ci n'a jamais existé : «Ils ont inventé un mythe selon lequel les juifs ont été massacrés et pour cette raison ils se placent au dessus de Dieu, des religions et des prophètes.» Ahmadinejad savait pertinemment que de telles déclarations hostiles seront assimilées, par l'Etat hébreu, à un casus belli et que son pays devrait pour cela s'attendre à une réaction foudroyante d'Israël. Déjà que l'Iran est classé parmi les pays du Proche et du Moyen-Orient qui sont farouchement opposés à son existence, sinon leur chef de file, voilà que son président, qui a souvent considéré Israël comme un pays arrogant, faisant fi de la légalité internationale, monte au créneau pour exhorter les Arabes et les musulmans, du moins ceux qui n'ont pas tourné casaque, à annihiler cet Etat hors-la-loi, dont les dirigeants bafouent toutes les résolutions de l'ONU et dénient au peuple palestinien le droit à l'existence. Le vendredi 5 octobre 2007, lors de la journée annuelle destinée à célébrer El Qods, décrétée par l'imam Khomeiny au début de la révolution islamique de 1979, le président iranien récidiva en lançant une nouvelle diatribe contre l'Etat hébreu(7), affirmant que la lutte se poursuivra jusqu'à la libération totale de la Palestine, tout en mettant en doute l'ampleur de l'Holocauste. Il dira, en substance, que l'Iran ne reconnaîtra jamais l'existence d'Israël en tant qu'Etat souverain, tout en dénonçant les déclarations extrémistes et haineuses de ce pays, pour inciter la communauté internationale à empêcher son pays de se doter de l'arme nucléaire. Pour l'Etat hébreu, cette République islamique représente un danger potentiellement sérieux contre le peuple juif, comme aucun autre pays auparavant, sauf naturellement l'Allemagne nazie. L'existence même, et la sécurité de l'Etat hébreu à l'intérieur de ses frontières, qui sont d'ailleurs contestées, sont réellement remises en cause, d'autant plus que les Iraniens se sont lancés dans un programme nucléaire ambitieux. Donc, Israël qui dispose comme chacun sait d'un armement de destruction massive impressionnant et qui a refusé de signer le traité de non-prolifération sur les armes atomiques (TNP), tout en repoussant aux calendes grecques une inspection de l'AIEA sur son territoire(8), s'en va en guerre contre un pays qui se prévaut du droit de posséder l'arme nucléaire. Selon un ancien technicien de Dimona, le principal centre nucléaire israélien, Mordechai Vanunu, qui a été confronté par le passé à de graves démêlés avec la justice de son pays pour avoir divulgué des secrets d'Etat, Israël possède un arsenal de 200 bombes atomiques prêtes à l'emploi. Par contre, d'autres milieux informés indiquent plutôt une fourchette qui varie entre 100 et 175 têtes nucléaires(9). La déclaration de Shimon Peres du 6 novembre 2011, selon laquelle une attaque contre l'Iran est de «plus en plus vraisemblable» est lourde de conséquences. Shimon Peres n'en est pas à sa première sortie, déjà le 8 mai 2006, alors qu'il était vice-Premier ministre, il affirma, lors d'un entretien accordée à l'agence Reuters, que «le président iranien doit savoir que l'Iran peut aussi être rayé de la carte»(10). La doctrine officielle d'Israël s'articule autour des points suivants : 1- il est déterminé à ne perdre aucune guerre ; 2- il doit mener la guerre de manière rapide et décisive ; 3- il doit opter à chaque fois pour une dissuasion crédible ; 4- il doit opter pour un rapport de perte très faible ; 5- il doit s'en tenir à une stratégie défensive et éviter toutes prétentions territoriales (sic) ; 6- le pays doit privilégier les moyens politiques afin d'éviter la guerre. La mission de Tsahal(11) est la suivante : «Défendre par tous les moyens l'existence, l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Etat d'Israël. Protéger ses habitants et combattre toutes les formes de terrorisme, qui menacent la vie quotidienne.» Selon la théorie Bégin, du nom d'un ancien Premier ministre israélien, «l'Etat hébreu se doit, afin de garantir sa sécurité, d'empêcher tout autre Etat du Proche et du Moyen-Orient d'acquérir des armes de destruction massive. Pour ce faire, notre pays peut avoir recours à la force, y compris de manière unilatérale, en optant pour des frappes préventives contre d'éventuelles menaces d'où qu'elles viennent.» On peut citer également l'avertissement lancé par l'ancien ministre israélien de la Défense et ancien chef d'état-major, Shaul Mofaz, qui est né et a grandi en Iran, de même que l'ex-président Moshé Katsav, qu'«en aucune circonstance Israël ne tolérera que l'Iran possède l'arme nucléaire». Si on se réfère au «Military Balance»(12), l'Etat d'Israël peut aligner la meilleure et la plus moderne armée de l'air de la planète, qui se compose de chasseurs sophistiqués de fabrication américaine (F15, F16 et chasseurs-bombardiers), avec un total de 435 avions. Ce pays possède également les fameuses bombes GBU-28, des bombes ultra puissantes, qui peuvent facilement perforer le sol sur une profondeur qui varie entre 25 et 35 m, ou de percer avant d'exploser un bunker dont les murs en béton armé ont une épaisseur qui dépasse les 500 m. Israël a toujours réagi hargneusement lorsque ses intérêts majeurs sont menacés, privilégiant parfois des interventions hors de ses frontières, comme ce fut le cas du raid, en 1976, sur Entebbe, en Ouganda, pour délivrer les otages israéliens retenus par un commando palestinien, ou bien l'opération «Jambe en bois» contre le quartier général de l'OLP à Tunis en 1985, qui avait fait 70 morts.(13) Pour ce qui est des frappes préventives contre des sites représentant un réel danger pour l'Etat d'Israël, il faut citer l'opération «Opéra», contre la centrale nucléaire irakienne d'Osirak en 1981, ainsi qu'un autre site en Syrie en 2007, suspecté de servir à la fabrication d'armes de destruction massive. Si le président israélien, Shimon Peres, a évoqué une éventuelle agression contre l'Iran, il sait pertinemment de quoi il parle. Ce qui veut dire que des plans et des préparatifs précis ont été échafaudés avec, naturellement, l'accord des Etats-Unis. Toutefois, un dilemme de taille se posera cette fois-ci à l'Etat hébreu. Le temps des descentes punitives et des gros bâtons est révolu, car si ce pays a l'habitude de s'attaquer à des proies faciles, sa tentative, dans le cas présent, sera pratiquement vouée à l'échec, dans la mesure où des difficultés, et non des moindres, l'empêcheront de mener à bien sa mission comme il la concevait. a- Il faut d'abord évoquer la distance qui sépare les deux pays, qui est de l'ordre de 1500 km à vol d'oiseau, sinon plus. B- Ensuite, il faut tenir compte de la position des sites nucléaires censés abriter les centrifugeuses, le ou les réacteurs et autres matériels destinés à la fabrication de la bombe. Ces sites, qui sont au nombre de douze ou treize, y compris des leurres, sont éparpillés sur pratiquement toute l'étendue du territoire iranien. Donc, s'il y a plusieurs cibles à détruire, il y aura forcément une dispersion de la force de frappe. c- L'aviation de Tsahal doit obligatoirement survoler des pays hostiles, comme la Syrie, l'Arabie Saoudite, l'Irak, sinon la Turquie par le Kurdistan. d- Le rayon d'action des avions, qui doivent obligatoirement être ravitaillés en vol, au moins deux fois, à l'aller et au retour, avec tous les risques avérés de se voir interceptés et abattus. e- Enfin, la réaction iranienne, qui sera proportionnelle aux coups portés à ses installations. Certes, Israël dispose de missiles longue portée de type Jericho 2, qui peuvent être tirés à partir de ses navires mouillant au large du Golfe d'Oman, ou du territoire israélien même. Cependant, il faut souligner que l'Iran a également élaboré, ces dernières années, à partir d'un Scud russe redéveloppé, un imposant lanceur balistique de type Shahâb 3. Ce dernier, qui a été réalisé sur le modèle nord-coréen, a une hauteur de 17m, l'équivalent d'un immeuble de 6 étages, selon des experts américains, travaillant pour le compte de GlobalSecurity.org, un groupe de recherche situé à Alexandria, en Virginie. Une telle fusée intercontinentale, d'une portée de 3200 km, est capable de transporter des satellites, ainsi que des armes conventionnelles, et même des ogives nucléaires.(14) Certains pays européens, dont la France, par la voix d'Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères, ont appelé Israël à la modération, car une telle opération, si elle devenait effective, mettrait à feu et à sang tout le Moyen-Orient. Pour conclure, il faut signaler que lors de son passage à Doha, le 5 septembre 2010(15), le président Ahmadinejad a averti Israël et ses alliés, que toute agression contre son pays conduirait à la destruction de l'Etat hébreu.