Ce sont les pires tueries de la jeune histoire de ce petit Etat en proie à des violences interethniques. Plus de 3000 personnes ont été tuées dans des violences interethniques la semaine dernière au Sud-Soudan, selon un responsable local. C'est le bilan d'une des pires tueries de l'histoire de ce jeune Etat fragilisé par les rivalités tribales. «Nous avons compté les corps, et nous avons calculé à ce stade que 2182 femmes et enfants, ainsi que 959 hommes ont été tués», a affirmé Joshua Konyi, chef de l'administration de la région de Pibor, une localité située dans l'Etat oriental de Jonglei, théâtre des violences. Ce bilan de 3141 morts n'a pas été confirmé de source indépendante, la dernière estimation des Nations unies portant le nombre de morts à des dizaines, «peut-être des centaines» de personnes. Mais des affrontements et des vendettas opposent depuis des années deux tribus dans cette zone de l'est du pays, les Lou Nuer et les Murle, causant de nombreuses victimes. Pour venir en aide aux quelque «50 000 personnes» affectées par les violences, l'ONU a annoncé hier qu'elle lançait une «opération massive d'urgence humanitaire». L'organisation a démarré, jeudi, les distributions de nourriture – des rations d'un mois – pour 2000 déplacés internes, dont 90% de femmes, à Boma. «Un de nos staffs nous a rapporté qu'il a vu des familles manger de l'herbe», a relevé la porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), Gaëlle Sévenier, faisant valoir que le Sud-Soudan est un pays très fertile mais très peu cultivé (4%) en raison, notamment, de l'insécurité. Le PAM craint également la prochaine arrivée des pluies. «La moitié du pays va être isolée en mars-avril», a expliqué Mme Sévenier. Les conflits interethniques constituent l'un des principaux défis auxquels le Sud-Soudan, qui a accédé à l'indépendance en juillet dernier, doit faire face. Ils ont été exacerbés par deux décennies de guerre civile entre le nord et le sud du Soudan, qui ont nourri les inimitiés historiques entre les différentes tribus, parfois instrumentalisées par Khartoum. Dans le seul Etat de Jonglei, les attaques de campements visant à voler des bêtes et les opérations de représailles y ont fait, en 2011, plus de 1100 morts et forcé quelque 63 000 personnes à quitter leur village, selon un rapport de l'ONU. La guerre n'est pas finie En août, au moins 600 personnes ont été tuées et 985 blessées lors d'une attaque de Murle contre des villages Lou Nuer. Pour se venger, quelque 6000 jeunes Lou Nuer armés ont marché la semaine dernière sur la localité de Pibor et ses environs, peuplés par leurs rivaux. Ils ne se sont retirés que lorsque l'armée du Sud-Soudan a ouvert le feu. «Il y a eu des meurtres en série, un massacre», a rapporté M. Konyi, lui-même Murle. Selon lui, plus d'un millier d'enfants sont aussi portés disparus, sans doute enlevés par les Lou Nuer, et des dizaines de milliers de têtes de bétail ont été volées. «Il y a bien eu des victimes, mais nous ne disposons pas de précisions et nous ne pouvons pas à ce stade confirmer les affirmations du chef de l'administration locale», a commenté le ministre de l'Information de l'Etat de Jonglei, Isaac Ajiba. Le porte-parole de l'armée du Soudan du Sud, Philip Aguer, a également indiqué attendre les rapports de ses soldats sur place pour annoncer un bilan. «Des parties de (Pibor) ont été brûlées, nos installations ont été complètement pillées», a déjà témoigné le chef de mission de Médecins sans frontières dans le pays, Parthesarathy Rajendran, qui s'est rendu sur place. Mais «les gens reviennent et n'ont plus peur, la situation s'est stabilisée», a-t-il ajouté, soulignant qu'il y avait «d'énormes besoins». «La guerre n'est pas finie», a prévenu, jeudi dans un communiqué, un groupe se faisant appeler l'Armée blanche Nuer. «Nous prévoyons que les Murle vont attaquer les Nuer et les Dinka (une autre tribu de la région, ndlr) pour se venger de l'offensive que nous avons lancée», avertit le texte. «S'ils le font, nous mènerons des attaques surprises qui mèneront à de nouveaux bains de sang et mouvements de population», a menacé ce groupe. Le gouvernement a d'ores et déjà qualifié l'Etat de Jonglei de «région sinistrée» et appelé les deux tribus à «ramener toutes les femmes et enfants enlevés des deux côtés».