Peut-on parler d'engagement politique, de vie nationale ou de débat d'idées alors que l'Algérie s'apprête à boucler sa 14e année sous état d'urgence ? C'est dans un contexte de fermeture des espaces d'expression et d'action que s'ébruitent les apparentes dissensions entre le FLN, le RND et le MSP, les trois faces de l'Alliance présidentielle, censée soutenir le programme du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika. Dissensions qui ne peuvent être nourries par une société en débat faute de climat de liberté réelle. Il s'agit, alors, peut-être plus d'une lutte d'appareils dont la base des trois partis, et même une frange de leurs cadres, se voit écartée du cercle des chefs. L'enjeu de la lutte, qu'il soit autour de la révision constitutionnelle, du code de la famille, de la politique des salaires ou de la gestion de la communication quant à la maladie du président Bouteflika, semble se déplacer sur un terrain moins altruiste : la course à l'allégeance au profit des maîtres. Il aurait été salutaire de croire que l'approche des échéances électorales de 2007 et de 2009 puisse enfiévrer la scène politique. Mais, il est difficile de penser que les joutes curieuses qui tiraillent l'appareil FLN, par exemple, puissent exprimer une sorte de purge salutaire pour le vieux parti. Le FLN réveille ses vieux démons de plans putschistes internes. Mais l'histoire du parti a montré, comme en 1996 lors de l'OPA contre Abdelhamid Mehri, que le putsch ne sert qu'à saper le capital d'autonomie que certains cadres du parti tentent d'accumuler. Les tirs médiatisés du leader du FLN, Abdelaziz Belkhadem, contre celui qu'on présente comme un rival, Ahmed Ouyahia, SG du RND et chef du gouvernement, n'obéissent à quasiment aucune logique politique si l'on prend en compte le cahier de charges de l'Alliance, la cohabitation des deux hommes au sein de l'Exécutif ou encore le poids majoritaire du FLN aux assemblées élues. Seule la grille de lecture parallèle d'un vaste mouvement de repositionnement, à l'ombre de l'absence de Bouteflika pour cause de santé, semble expliquer les rixes actuelles. D'où le constat de partis coupés de leur base, condamnés à se transformer en leviers d'équilibre de forces au sein d'un pouvoir articulé autour de l'image du chef de l'Etat. Sinon, pourquoi le FLN opterait pour l'installation de « groupes de travail chargés de suivre l'action du gouvernement » au lieu de s'appuyer sur sa propre représentation populaire à l'APN ? Le FLN, le MSP et le RND entrechoquent leurs pions sans poser les problèmes de projet de société, sans penser, peut-être, aux importantes échéances internationales qu'attend le pays.