Une pareille affirmation venant d'un parti rompu à l'esquive et à la retenue, est inquiétante. Abderrezak Mokri, vice-président d'un parti, le MSP, membre de l'Alliance présidentielle et officiellement troisième force politique du pays, a tenu hier, un langage extrêmement critique sur la situation politique et économique du pays. «L'Algérie vit actuellement dans une confusion totale, on se sait plus qui gouverne et on ne connaît plus notre interlocuteur», a-t-il déclaré avec une spontanéité déconcertante pour un homme politique. «Si nous voulons faire sortir notre pays de cette crise, si nous voulons amorcer un décollage économique, il faut absolument assainir la situation politique nationale.» En plus de cet assainissement, Mokri plaide pour le principe de la responsabilité politique. Ce fondement semble véritablement ronger ce haut responsable politique. Pour lui, il est impossible de concevoir une vie politique saine sans que l'interlocuteur ne soit clairement identifié. «Si un parti pense être bien placé dans les institutions de l'Etat, dans l'administration, au niveau de l'armée, qu'il le dise clairement pour que l'on sache à qui on a affaire», déclare-t-il avant d'ajouter: «Nous devons savoir qui gouverne, connaître celui qui a la responsabilité et qui l'exerce.» Pour clarifier son idée, Mokri appuie: «Je lance un appel aux autres institutions de la République pour leur dire que si elles soutiennent un parti politique, qu'elles le disent clairement.» Apparemment hanté par «les gouverneurs de l'ombre», Mokri revient à la charge et lance un appel à «ces gouverneurs» à sortir de la politique de l'opacité. «J'appelle toutes les institutions de l'Etat à prendre leurs responsabilités. S'il y a des centres de décision dans l'ombre, qu'ils manifestent courageusement leur soutien à un parti politique». Une pareille affirmation venant en ce moment précis, d'un parti rompu à l'esquive et à la retenue, est inquiétante au plus haut point. C'est au moment où le FLN occupe le devant de la scène politique avec son projet d'amender la Constitution. Au moment où le secrétaire général du FLN porte le débat sur un autre registre, à savoir: «ou on est pour ou on est contre la réélection de M.Bouteflika pour une troisième mandature». C'est au moment où le RND, opposé à la révision de la Constitution, se terre dans un silence assourdissant. C'est en cette phase justement que le parti de Boudjerra Soltani s'affiche contre vents et marées et navigue à contre-courant d'un conglomérat qu'il a côtoyé pendant des mois. En effet, bientôt deux années depuis qu'il a scellé et décrété la naissance de l'Alliance présidentielle avec le RND et le FLN. Deux années après, voilà que le MSP se rend compte de la gravité de la situation du pays. On aurait compris qu'un autre parti, ne se situant pas dans les rouages du pouvoir, crie au scandale. Le propre d'un parti d'opposition est justement d'alerter, de dénoncer une mauvaise gestion, un manque d'une stratégie économique, un malaise social et les autres tares qui sévissent dans le pays. Mais que cela vienne d'une formation politique qui participe à la gestion des affaires de l'Etat, le fait est réellement grave. Mais ce n'est pas tout: il faut d'abord s'assurer de deux choses. Le MSP ne fait-il pas de la surenchère avec ces violentes critiques de Mokri? Il se peut que l'idée d'un remaniement gouvernemental ne fasse pas l'affaire d'un parti qui excelle dans l'entrisme. Des sources concordantes affirment que , lors du prochain remaniement, les portefeuilles gouvernementaux seront réduits de moitié. Pour sauvegarder ses «acquis», le MSP pourrait brandir «le discours d'opposition». Ou alors, sachant que son sort est scellé, le MSP préparerait dans ce cas, sa place au sein de l'opposition. Ne dit-on pas que c'est au moment de sa mort que le cygne chante? Mais c'est sans compter sur un élément important que de reclasser le MSP dans le carré des partis d'opposition. Le bras de fer en sourdine qui oppose Mokri à Boudjerra Soltani peut connaître son épilogue avec ses déclarations intempestives. Ne veut-il pas donc se réapproprier un poste qu'il convoitait depuis la disparition de Cheikh Nahnah? Des sources proches du MSP font d'ailleurs état de l'éventualité d'un départ anticipé de Soltani du parti.