Bouguerra Soltani, actuel ministre d'Etat et président du MSP, revient sur les principales questions de l'actualité. Vous menez campagne, depuis des mois, pour l'amnistie générale dont le contenu demeure inconnu. Selon vous, qui bénéficiera de ce projet ? Concernera-t-il les responsables à l'origine des massacres et des disparitions considérés comme des crimes contre l'humanité ? La crise qu'a connue le pays est politique. Son règlement se fera dans un cadre politique qui est l'amnistie générale. Ce projet nécessite quatre conditions pour être concrétisé sur le terrain. Primo : ne devront bénéficier de cette amnistie que ceux qui s'engagent à respecter la Constitution. Secundo : poursuivre la lutte contre le terrorisme. Tertio : respecter les règles du jeu démocratique. Quarto : consacrer une période à « la convalescence » politique. Cette amnistie ne touchera ni les harkis, ni les pieds-noirs, ni les auteurs des crimes économiques. La question du débat sur ce projet dépend du président de la République. Le jour où le contenu de l'amnistie sera rendu public, nous allons susciter un débat politique à même d'aboutir à une approche qui sera soumise à référendum. Ce référendum aura lieu avant la fin de l'année, sauf, si d'ici là, des développements rendent son report inévitable. Accepterez-vous que les responsables impliqués dans les massacres commis pendant la décennie rouge soient lavés de leurs crimes au nom de cette amnistie ? La loi sur la concorde civile était claire sur ce point en faisant la distinction entre ceux qui ont commis des crimes contre des individus et qui ont bénéficié des dispositions de cette loi et ceux qui ont perpétré des massacres collectifs. La loi internationale punit les crimes contre l'humanité. Même si l'Algérie pardonne à ces derniers, d'autres parties peuvent réclamer justice devant les instances internationales. L'Algérie est parmi les pays qui refusent de livrer ses enfants à des parties étrangères. Même s'il y a des jugements, ils se dérouleront dans des tribunaux algériens. La qualification de certains faits relève de l'appréciation de cette justice. L'Alliance présidentielle semble hétérogène. Chaque parti suit sa propre logique. Quels sont les motifs qui vous ont poussés à contracter une telle union ? L'Alliance est une pratique nouvelle en Algérie. Les partis se sont habitués, depuis l'ouverture politique en 1989, à présenter des programmes prétendant pouvoir régler la crise. Après une expérience de 7 ans, les formations politiques ont constaté la complexité de la crise et ont su que son dénouement ne peut venir d'un seul parti ou d'un seul courant. Au MSP, depuis 1999, nous avons cherché à constituer des alliances avec d'autres partis, qu'ils soient du courant islamiste, nationaliste ou démocratique, autour de grands projets. Le défunt cheikh Nahnah a tenté l'expérience, en 1999, avec le FLN, le RND et Ennahda. Cinq ans plus tard, il s'est avéré qu'il est possible de promouvoir cette expérience en allant vers l'Alliance présidentielle entre le MSP, le FLN et le RND. Cette alliance s'articule autour du programme du président de la République soutenu durant la campagne du 8 avril 2004. Nous avons au sein de l'alliance des divergences de vue sur certaines questions. Mais nous sommes sur la même partition quant aux grands dossiers et principes, tels que la démocratie, le système républicain, l'alternance au pouvoir, la transparence des élections, la préservation des constantes nationales et de l'identité du pays, la lutte antiterroriste et la réconciliation nationale. Avant le 8 avril 2004, nous n'avons pas trouvé de partis qui partagent notre vision de l'avenir autres que le FLN et le RND. Les autres partis refusaient de s'allier. Ils œuvraient pour présenter leurs cavaliers seuls. Certains partis parlent de verrouillage politique... Les partis qui prônent ce discours veulent que les formations qui occupent certains espaces cèdent leurs acquis et renoncent à leurs revendications. Ils veulent aussi qu'on leur ouvre le champ à un exercice politique qu'ils ne sont pas en mesure de conduire. On doit plutôt appeler à respecter les libertés et la transparence des élections. Ainsi se distingueront les grands partis des petits. En revanche, si la fermeture du champ politique est due à un abus de pouvoir dont les visées sont d'écarter les autres tendances politiques, cela est inadmissible. Mais s'il s'agit de partis représentatifs, cela peut être considéré comme fermeture de la scène politique à l'opposition. En Algérie, il y a trois catégories de partis : ceux qui militent pour trouver des solutions, ceux qui recourent à la société pour résoudre leurs dissensions et ceux qui en spectateurs se rangent du côté des plus forts. Notre parti se situe dans la première catégorie. Y a-t-il une pratique démocratique en Algérie ? L'Algérie connaît une certaine démocratie naissante qui nécessite du temps pour s'instaurer. Mais si on fait une comparaison entre la situation d'aujourd'hui et celle de 1988 ou de 1995, on constatera qu'il y a eu une nette avancée en la matière, notamment dans le secteur de la presse. Nous sommes fiers d'avoir une presse libre et indépendante. Certes, on constate des dépassements à cause desquels certains paient pour d'autres. Cela se justifie, peut-être, par le fait que la presse est au stade de l'amateurisme. Il faut distinguer entre la liberté d'expression et la diffamation, faire la différence entre le travail d'informer et les accusations graves de personnes sans preuves. La liberté d'expression doit être accompagnée d'un sens de responsabilité... Par ailleurs, nous sommes favorables à l'activité syndicale conforme à la Constitution. La loi exige de tout syndicat prétendant à un agrément de donner des preuves qu'il représente au moins 20% de la corporation. Que ce soit le Cnapest ou un autre syndicat, il faut qu'on lui donne son droit (...). Par ailleurs, nous demandons la levée de l'état d'urgence. Cela est motivé par les rapports et les déclarations officiels selon lesquels la situation sécuritaire s'est améliorée. Avec l'aboutissement du processus de la réconciliation nationale, l'état d'urgence disparaîtra de fait. Votre parti est-il au pouvoir ou dans l'opposition ? Nous avions été, au départ, dans l'opposition et certains partis ont trouvé que cette opposition ternit l'image de l'Algérie. Nous avons ensuite versé dans la revendication consciente. Depuis 1999, nous sommes entrés dans un cycle de ce que nous appelons la participation positive. Nous sommes le pouvoir lorsqu'il s'agit des grandes questions qui concernent le pays. Nous sommes l'opposition lorsqu'il s'agit de questions secondaires, des détails. Nous adoptons le programme du président de la République et nous œuvrons pour sa concrétisation. Seulement, l'Exécutif décide, parfois, des choses étranges à ce programme.