Sur facebook, il est sans doute celui dont on a le plus suivi le statut cette semaine. Yacine Zaïd, 40 ans, président de la section de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme à Laghouat, n'aurait jamais pensé que sa vie prendrait un tel tournant. «J'étais un jeune de Laghouat qui gagnait bien sa vie en tant que superviseur dans une multinationale, qui écrivait des chansons et qui espérait fonder un foyer et avoir des enfants. Une vie normale», nous confie-t-il. Tout a commencé en 2004. Yacine est embauché en tant qu'agent de sécurité dans une multinationale à Hassi Messaoud. Promu superviseur, il dénonce les conditions de vie et de travail des autres employés faites de brimades, insultes, et s'élève contre l'absence des règles de sécurité sur les lieux de travail. Il décide de créer une section syndicale dans l'entreprise pour défendre les intérêts des travailleurs et est élu secrétaire général de la section. C'est le début de l'activisme syndical et… de ses démêlés avec son employeur. Pour défendre sa cause, Yacine comprend très vite la portée et la puissance que peut avoir le Net. Il décide d'investir la Toile et inonde les organisations internationales et syndicales de mails pour les éclairer sur le drame qu'il est en train de vivre. Il crée un blog et une page facebook. «Je ne connaissais rien au Net. C'est un cousin, ingénieur en informatique, qui m'a initié. J'envoyais tous les jours des mails aux grandes organisations syndicales et aux associations de défense des droits de l'homme. Je leur expliquais mon combat. J'ai reçu leur soutien et ma cause a été médiatisée. C'est à ce moment que j'ai décidé d'utiliser le Net pour dénoncer la misère et la hogra que vivent les gens de ma région», témoigne-t-il. Muni d'une petite caméra, il filme le désarroi des gens livrés à eux-mêmes et s'empresse de mettre ses petits reportages sur YouTube, où déjà une cinquantaine de ses vidéos sont disponibles. YouTube L'une d'elles, vue plus de mille fois par les internautes, montre les conditions inhumaines dans lesquelles vivent quatre sœurs handicapées dans un taudis situé dans la nouvelle ville de Belil, à 50 km de Laghouat. La vidéo a contraint le wali de Laghouat à réagir. Il a annoncé le déblocage d'une enveloppe financière de 2,5 millions de dinars pour la construction d'une habitation et l'embauche d'une aide soignante au service des quatre sœurs. «C'est génial. La vidéo a fait bouger la wilaya seulement 48 heures après sa diffusion. Il faut, pour qu'on puisse dénoncer toute cette misère que vivent les Algériens et que les responsables politiques refusent d'admettre, qu'il se crée partout en Algérie des journalistes citoyens qui filment et diffusent sur YouTube cette précarité et le désœuvrement des Algériens.» Yacine a mis en place un petit réseau à travers la wilaya de Laghouat qui l'informe et lui propose des sujets de reportage. «Je suis sidéré par la passivité des gens face à leurs problèmes. Ils viennent me voir et me demandent de les aider. Je ne peux que montrer au monde dans quelles conditions ils vivent, dans une Algérie qui regorge d'argent. Mais je ne peux pas faire plus. Je ne peux pas faire le suivi des affaires. Il faut que les Algériens se réveillent. Il faut qu'ils bougent. Moi, j'ai foutu ma vie en l'air pour dénoncer la hogra. J'ai divorcé d'avec ma femme, j'ai vendu ma maison pour payer mes frais d'avocat, mais je n'ai jamais laissé personne piétiner ma dignité…»