Des milliers de Tunisiens se sont rassemblés, hier, sur l'emblématique avenue Bourguiba à Tunis pour fêter le premier anniversaire de la chute de Ben Ali, tandis qu'une cérémonie officielle avait lieu à quelques encablures en présence de dirigeants arabes. Dès le matin, hommes, femmes et enfants, souvent enveloppés de l'emblème national, avaient commencé à converger vers la grande artère de la capitale tunisienne pour célébrer «la Révolution de la dignité». «Bon débarras Ben Ali !» chantaient des manifestants avant de reprendre en chœur le célèbre «Dégage» qui a marqué la Révolution tunisienne. Un manifestant portant un masque de Ben Ali, enchaîné et habillé d'un costume traditionnel saoudien (l'ancien président s'est réfugié en Arabie Saoudite), accompagné d'une marionnette représentant Leïla, l'épouse honnie, arpentait l'avenue. Toute la journée, les manifestants ont chanté, scandé des slogans, ou se sont tout simplement promenés sur l'avenue, dans un sens puis dans l'autre. «En fait, c'est la première fois que nous fêtons la révolution. Nous n'avions pas eu l'occasion jusqu'à présent, avec tous les problèmes qui se sont succédé», expliquait une jeune femme. Des barrières interdisaient un large périmètre devant le ministère de l'Intérieur, symbole de l'ancien régime devant lequel avait commencé la dernière manifestation avant la fuite de Ben Ali, il y a tout juste un an. Enfants drapés du drapeau tunisien, chants, sourires, l'ambiance était festive, mais également revendicative. «Travail, liberté et dignité», «Le travail est un droit», «Tunisiens restez debout», «Nous allons continuer la bataille», scandaient des manifestants. «Nous avons fait cette révolution contre la dictature pour imposer notre droit à une vie digne, et non pour aider certains opportunistes à réaliser leurs ambitions politiques», s'indignait Salem Zitouni, 33 ans. D'autres réclamaient la reconnaissance pour les «martyrs» abattus lors du soulèvement du décembre 2010-janvier 2011, qui a fait, selon l'ONU, quelque 300 morts et 700 blessés. Tunisiens restez debout ! Un groupe de jeunes agitant le drapeau noir des salafistes parcourait également l'avenue aux cris de «Tunisie islamique !». Le Qatar invité de marque, conspué par certains. D'autres manifestants chantaient à tue-tête : «Le peuple tunisien est libre et ne veut pas de l'ingérence américaine ni de celle du Qatar !» Le Qatar et le parti islamiste tunisien Ennahda, vainqueur des élections du 23 octobre, entretiennent des relations étroites, et l'émirat est parfois qualifié de «banquier d'Ennahda» par ses détracteurs. L'émir qatari, Hamad Ben Khalifa Al Thani, était l'invité de marque des autorités tunisiennes, en compagnie d'autres leaders arabes dont le président Abdelaziz Bouteflika, et le chef du Conseil national de transition libyen, Moustapha Abdeljalil. Ces derniers ont participé, dans une atmosphère beaucoup plus compassée, à la cérémonie officielle au Palais des congrès de Tunis, à quelques centaines de mètres de l'avenue Bourguiba. A l'ouverture de cette cérémonie, le président tunisien, Moncef Marzouki, a assuré que son pays poursuivrait «sa marche vers la liberté» et estimé que le 14 janvier marquait «la fin d'une période sombre, d'un régime autoritaire et corrompu». «Les peuples de la nation arabe aspirent à des jours meilleurs, et je suis sûr qu'ils vont s'inspirer de la révolution tunisienne qui promeut la liberté et la dignité», a déclaré pour sa part l'émir du Qatar, avant d'annoncer la contribution de son pays au fonds de soutien aux «martyrs» de la révolution. M. Bouteflika a de son côté fait part de «l'optimisme» des Algériens après la «victoire» de la Révolution tunisienne. Et le chef du Conseil national de transition libyen Moustapha Abdeljalil a estimé que l'exemple tunisien avait été «un facteur essentiel» de la réussite du soulèvement libyen.