Nous avons rencontré Abou Djamel, de son vrai nom Rabah Rezki, sur un lit d'hôpital à Zéralda où il vient d'être amputé d'une partie du pied, suite à une gangrène. Malgré sa maladie (diabète et hypertension) et en dépit d'une faible pension de retraite, Abou Djamel garde le sourire. Il nous raconte succinctement une carrière, entamée en...1945. Pour le grand public, le nom d'Abou Djamel est systématiquement lié au Clandestin où vous jouiez le rôle d'un grand bonhomme gâté, fils de la défunte Ouardia... Mais il n'y a pas que cela ! Des dizaines de films, des centaines de sketchs et autant de pièces théâtrales sont au registre d'Abou Djamel (rires). Si je dois vous énumérer tout mon CV il faut remonter à l'année 1945. Ma taille ne dépassait pas trois pommes en cette année qui coïncide avec la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vous aviez quel âge à l'époque ? 7 ans. J'habitais La Casbah, précisément le n° 2 de l'impasse de la Grenade où je suis né. Quand il n'y avait pas d'école, j'allais chez un certain Hassan El Hassani, qui deviendra plus tard Boubagra et non moins grand comédien pour la postérité, pour jouer dans des sketchs. Je me souviens encore du premier sketch dans lequel j'ai joué. Il est intitulé “Baba r'bah boudjeghlellou” (ndlr : mon père a gagné un escargot). Vous savez ce que signifie “boudjeghlellou” ? “Escargot”, c'est ça ? Mais non ! Escargot est le nom donné à l'époque à la radio, la TSF (éclat de rires). Un produit de luxe en ces temps de disette. Où êtes-vous allé chercher le pseudo d'Abou Djamel ? Le pseudo me colle depuis 1948 et je l'aime beaucoup car c'est Latéfa qui m'appelait ainsi. Actrice et chanteuse, c'est elle qui m'a fait connaître le monde de la comédie. Grâce à cette grande dame, encore en vie et que je salue au passage, j'ai pu vraiment démarrer dans la comédie. En sa compagnie, je me frottais ainsi à Roucihed avec lequel j'ai joué mon premier rôle (à 10 ans) dans une pièce intitulée “Quel toupet !”. Nos spectacles étaient donnés au Café Tankoin, rue Vialar, près de la rue de Chartres, actuellement rue Bouzrina. Vient ensuite le Théâtre avec Bachtarzi, Bach Djarrah, Boudia, Mustapha Kateb. Des sketchs avec Keltoum, Fadéla Dziria. Il y en a tellement. Puis la radio que j'ai intégrée en 1952 à l'âge de 14 ans dans l'émission “El Hadiqa Essahira”. Et Abou Djamel l'acteur de cinéma ? Beaucoup de productions également dont l'Aube des damnés, la Voie de Slim Riad, Brancaléone avec Vittorio Gassman et tant d'autres. Et aujourd'hui vous êtes retraité ? Depuis le 1er mai 1999. Un 1er mai, fête des travailleurs (rires). Avec une rente de 14 000 DA par mois pour nourrir 17 personnes. Heureusement que le DG de l'ONDA n'a pas omis que j'avais des droits d'auteurs sur les dizaines de sketchs que j'ai écrits. Il me fait parvenir de temps à autre quelque somme d'argent. Qu'il en soit remercié. Je profite aussi de cette occasion en faisant un appel à l'APC d'Alger-Centre afin de régulariser la situation de mon logement à Zéralda.