Devenue commune en 1985, la localité est frappée de plein fouet par le spectre de la misère. La misère n'épargne aucun aspect de la vie, à l'instar de nombreuses communes déshéritées en Kabylie. Les quelque 18 000 habitants qui y vivent ont du mal à admettre l'état lamentable dans lequel se débat cette région qui fut un vivier lors de la révolution. « Pendant la guerre, Thighilit Bougni n'a pas lésiné en matière de sacrifice. Elle a donné à la Révolution algérienne les plus illustres de ses fils, à l'image du colonel Ali Mellah, alias Si Cherif qui a eu à commander la Wilaya VI historique (le Sahara) », pour reprendre ce septuagénaire au visage qui ne cache pas une expression sévère et un sentiment de révolte à l'endroit des autorités qu'il accuse d'avoir fait de M'kira, « une commune sinistrée à vie ». Pour synthétiser la situation, le président de l'APC, Fahem Mohand Cherif, parle de « cumul d'insuffisances et de retard ». A travers cet immense relief montagneux, le développement ou le progrès restent des termes vagues sans aucun sens concret. De fait, la paupérisation qui avance à pas de géant suscite un sentiment de grogne dans les rangs de la population. D'ores et déjà, un mouvement de contestation, structuré autour de la coordination des comités de villages, est en voie de maturation pour revendiquer auprès des autorités le règlement de certains problèmes jugés urgents. Ainsi, l'alimentation en eau potable représente le premier facteur de colère à M'kira que la pénurie d'eau touche à 100%. Une action populaire d'envergure est prévue pour les prochains jours devant la wilaya. Le P/APC affirmera : « Je suis du côté de la population si les voies réglementaires et administratives ne viennent pas à bout de ce calvaire. » La sécheresse qui frappe M'kira est due à l'obstruction de la conduite principale qui alimente la totalité des villages de la commune à partir de la vallée du Sebaou. Pis, certains villages comme Tamdhikt n'ont jamais vu l'eau couler de leurs robinets depuis l'installation du réseau AEP il y a plusieurs années. La population doit son salut aux citernes achetées à raison de 400 DA. Ceux qui sont dépourvus de moyens financiers se rabattent sur les anciennes fontaines dans les ravins avoisinants. L'APC suit cette situation sans pouvoir porter assistance à sa population. « Nous disposons de deux camions-citernes de 6000 l, dont un est en panne. Le seul camion restant arrive à peine à approvisionner les écoles primaires, les unités de soins dans les villages et les structures publiques au chef-lieu communal », dira le P/APC. Les établissements scolaires (11 écoles primaires, 3 CEM et aucun lycée), eux aussi, constituent un autre problème. Face à la dégradation qui s'accroît chaque jour davantage, les infrastructures nécessitent un travail d'entretien, telles les anciennes classes où l'on signale des infiltrations. L'image est aggravée par l'absence totale de transport scolaire. La commune possède 5 minibus de 20 places chacun réservés au transport des lycéens scolarisés à Tizi Ghennif ou Draâ El Mizan. En évoquant toutes les difficultés qui émaillent la vie quotidienne dans cette municipalité, l'actuel P/APC n'y va pas de main morte avec ses prédécesseurs auxquels il reproche le manque de rigueur dans la gestion. A cet égard, il parlera de la liste des bénéficiaires du programme d'aide à l'autoconstruction, dont M'kira a eu un quota de près de 500 unités, et que l'assemblée sortante a élaborée sans respecter les critères de mérite. « Sur la liste élaborée par l'ancienne APC, figurent des proches des élus et d'autres personnes qui ne sont pas dans le besoin », accuse M. Fahem. Et de poursuivre : « Pour éviter la réaction de la population, la liste n'a jamais été affichée. » Lorsque l'APC issue des partielles du 24 novembre dernier a rendu publique la fameuse liste, la grogne ne s'est pas fait attendre. Les familles nécessiteuses qui ont été exclues de ce programme se sont vite constituées en collectif pour faire aboutir leur protestation. En guise de solution à ces dizaines de familles lésées, l'APC a promis leur inscription dans les futurs programmes. Outre l'habitat rural, un projet de 24 logements OPGI se trouve à l'arrêt depuis trois ans et deux autres projets destinés au relogement des occupants des deux anciennes cités aussi puisqu'aucune assiette foncière n'est encore dégagée, explique encore le premier responsable de la municipalité tout en regrettant que « dans le sillage du 3e millénaire, M'kira compte encore des familles résidant dans des habitations en toub ». Si l'administration communale est incapable de répondre aux besoins exprimés, c'est, en premier lieu, sa trésorerie qui demeure maigre. « En l'absence totale de ressources internes, la commune ne doit sa survie qu'aux subventions de la wilaya qui sont très en-deçà des attentes », dira le maire de M'kira. Cet état de sous-développement aigu a généré un chômage massif au sein de la classe juvénile. Aucun débouché n'est à espérer dans cette commune, si ce n'est les dispositifs, tels l'Ansej, la CNAC, le PPDR, qui ont permis à quelques-uns de se lancer dans des activités agricoles et artisanales. L'oisiveté et la pauvreté n'ont pas manqué de donner leurs fruits amers se traduisant par la délinquance et les fléaux sociaux qui ont émergé ces dernières années. « La délinquance vient de prolonger l'insécurité après les affres du terrorisme dont ont longuement souffert les villages », regrette M. Fahem. Et d'avouer : « Les stupéfiants se vendent ici comme des cacahuètes. D'ailleurs, une cantine de l'école primaire du chef-lieu est visitée chaque semaine par des voleurs qui s'emparent des produits alimentaires. » Pour faire régner la quiétude, la commune est impuissante en l'absence des services de sécurité. Il n'y a ni brigade de gendarmerie ni sûreté urbaine à M'kira