Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a une nouvelle fois averti, hier, son homologue irakien Nouri Al Maliki que la Turquie ne restera pas indifférente si ce dernier favorise un conflit confessionnel en Irak. Sachant que Baghdad a récemment accusé Ankara de s'ingérer dans ses affaires intérieures. «M. Al Maliki doit comprendre ceci : si vous entamez un processus d'affrontement en Irak sous la forme d'un conflit confessionnel, il n'est pas possible que nous restions silencieux», a déclaré M. Erdogan devant les députés de son parti, à Ankara. «Il n'est pas possible que nous restions silencieux, car nous partageons avec vous une frontière commune, nous avons des relations de parenté, chaque jour nous sommes en contact avec vous», a-t-il observé. «Nous attendons des autorités irakiennes qu'elles adoptent une attitude responsable qui laisse de côté les discriminations confessionnelles et prévienne les conflits confessionnels», a indiqué le Premier ministre turc. Ce dernier a critiqué avec véhémence des «déclarations très laides et malvenues» de M. Al Maliki, allusion faite aux reproches exprimés, le 13 janvier, par celui-ci, qui a accusé la Turquie de s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Irak. En effet, le 10 janvier, le Premier ministre turc avait appelé les leaders des différents groupes politiques et religieux irakiens à «écouter leur conscience» pour empêcher que les tensions interconfessionnelles dans leur pays se transforment en un «conflit fratricide». «J'appelle tous nos frères irakiens, quelles que soient leur confession ou leur origine ethnique, à écouter leur conscience, leur raison et leur cœur», a déclaré M. Erdogan à Ankara, lors d'une réunion de son groupe parlementaire. «J'invite de la même façon les dirigeants irakiens, les chefs religieux irakiens, les leaders de factions, les pays qui tentent d'exercer une influence en Irak à se comporter avec bons sens et de manière responsable. La dernière chose que nous souhaitons voir en Irak est un nouveau conflit fratricide», a-t-il dit. Il a prévenu, sans les citer, «les pays qui attisent les divisions confessionnelles et les conflits en Irak» qu'ils seront «tenus pour responsables de chaque goutte de sang versé» et «porteront cette tache à travers l'histoire». Il a aussi estimé qu'«une nouvelle division, une nouvelle rupture, une nouvelle lutte en Irak seraient la cause d'une grande déception dans tout le monde islamique». Non à l'ingérence turque Les déclarations de M. Erdogan ont été interprétées par le Premier ministre irakien comme une tentative d'ingérence dans les affaires intérieures de son pays. Le 13 janvier, il a dénoncé ce qu'il a qualifié d'«interférences» de la Turquie voisine dans les affaires intérieures de l'Irak, au moment où le pays traverse une grave crise politique. «Nous avons vu comment (la Turquie) a interféré en France, en Iran, en Libye et en Egypte. Nous ne nous attendions pas à la façon dont elle a interféré en Irak», a déclaré M. Al Maliki dans un entretien à la chaîne irakienne Al Hourra. «Leurs dernières déclarations interféraient dans les affaires intérieures irakiennes mêmes, comme l'autorité judiciaire, et nous ne permettons absolument pas cela. S'il est acceptable de parler de nos autorités judiciaires, alors nous pouvons parler des leurs, et s'ils peuvent parler de nos disputes, alors nous pouvons parler des leurs», a-t-il relevé. L'Irak traverse depuis décembre une grave crise politique qui a ravivé les tensions entre sunnites et chiites depuis que le bloc parlementaire Iraqiya, soutenu par les sunnites, a dénoncé les méthodes autoritaires du chiite Nouri Al Maliki. Ce dernier a souligné que la politique extérieure menée par la Turquie pourrait se retourner contre elle car elle «joue un rôle qui pourrait entraîner un désastre et la guerre civile dans la région et la Turquie elle-même en souffrira car elle a différentes confessions et ethnies», a-t-il observé. Les relations entre les deux pays sont mauvaises et la tension s'est traduite par la convocation réciproque des ambassadeurs pour des protestations. L'ambassade de Turquie à Baghdad a par ailleurs été atteinte, le 18 janvier, par un obus tiré depuis un quartier chiite de la ville, selon des sources officielles irakiennes, sans que l'incident fasse de victimes.