Le PKK qui poursuit des actions ponctuelles contre l'armée turque met en ébullition la Turquie et les pays limitrophes. La branche armée du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan, (indépendantiste) a encore frappé, dans la nuit de samedi à dimanche, l'armée turque près de la frontière irakienne faisant 16 morts et 17 blessés parmi les soldats turcs et 10 disparus, selon un bilan donné hier par les forces sécuritaires turques. Dans un communiqué rendu public hier, le PKK a affirmé avoir capturé hier un groupe de soldats turcs dans la zone frontalière entre la Turquie et l'Irak après de violents combats, selon un porte-parole du groupe rebelle à Erbil (capitale du Kurdistan irakien au nord de l'Irak). Les pertes militaires turques sont considérées comme les plus importantes jamais enregistrées en Turquie dans une opération de la rébellion kurde. La semaine dernière, une incursion similaire de miliciens du PKK s'est soldée par la mort de 15 soldats suscitant la colère parmi la société et le gouvernement turcs. C'est justement après ces incursions des rebelles du PKK que le Parlement turc a adopté mercredi dernier, sur proposition du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, un texte de loi donnant le feu vert à l'armée turque et le droit de suite dans le nord de l'Irak, pour frapper les bases des rebelles. C'est dans le cadre de l'application de cette mesure (droit de suite en Irak) que les hauts responsables politiques et militaires turcs avaient prévu de se réunir hier à Ankara sous la direction du président Abdullah Gül pour décider de la réponse à apporter à cette incursion. L'attaque d'hier, contre un campement militaire turc, rend encore plus urgent pour Ankara une intervention de la Turquie. Cependant, cela ne sera guère évident face aux réserves émises par le gouvernement de Nouri Al-Maliki d'une part, par l'opposition ferme du gouvernement kurde du nord de l'Irak, d'autre part. Cette affaire du PKK est en train d'envenimer passablement les relations entre les pays de la région suscitant la nervosité de certains dirigeants, à l'instar du président irakien (kurde) Jalal Talabani qui ne décolère pas contre son homologue syrien, Bachar Al Assad. En décidant d'autoriser l'armée turque de franchir les frontières avec l'Irak, le Parlement turc a ouvert une autre brèche dans les relations avec ce pays, soulève par ailleurs les réserves du Parlement irakien, mais surtout l'ire des Kurdes irakiens qui se disent déterminés à se battre en cas d'incursion étrangère sur leur territoire. Ainsi, le Parlement irakien a condamné hier la menace d'une incursion militaire turque dans la région du Kurdistan irakien, exigeant cependant le départ des rebelles kurdes turcs qui utilisent le territoire irakien dans leur guerre contre les autorités d'Ankara. Le Parlement irakien a également appelé les autorités de Baghdad à «prendre les mesures appropriées» pour mettre fin aux opérations du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) contre la Turquie. Mais, c'est là un voeu pieux si l'on excipe du fait que Baghdad n'a aucune influence ou autorité sur le Kurdistan autonome irakien qui s'est organisé en véritable Etat avec Parlement, drapeau et armée (formée par les peshmergas). De fait, l'opposition la plus déterminée à toute action turque dans le nord de l'Irak vient du gouvernement kurde irakien qui, à son tour, menace et met en garde. Pour mieux montrer sa détermination à résister aux pressions turques, le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a affirmé hier qu'il n'est pas question pour lui et le gouvernement kurde de remettre les chefs du PKK à Ankara, indiquant lors d'une conférence de presse à Erbil (capitale du Kurdistan irakien) que «remettre les chefs du PKK à la Turquie est un fantasme qui ne se réalisera jamais». Le président Barzani a aussi ajouté: «Nous défendrons notre territoire contre toute attaque.» Nuançant toutefois son propos: Massaoud Barzani dira encore: «Si les Turcs proposent une solution politique acceptable et que le PKK refuse, alors nous considèrerons le PKK comme une organisation terroriste.» Cela a peu de chance de survenir un jour, d'autant que les autorités turques avaient indiqué la semaine dernière que l'une de leurs exigences pour résoudre la crise actuelle était la remise à Ankara des chefs rebelles kurdes turcs qui ont trouvé refuge au Kurdistan irakien. De plus, Ankara refuse de discuter avec les Kurdes irakiens comme ceux-ci l'avaient suggéré pour résoudre la crise, réitérant que toute négociation ne se fera qu'avec Baghdad. Ankara ne reconnaît pas le Kurdistan autonome irakien qu'elle considère comme un précédent dangereux pour l'unité de la Turquie. «Nous ne parlons pas aux groupes kurdes d'Irak. Notre interlocuteur est le gouvernement irakien à Baghdad et nous discutons ce que nous voulons avec ses représentants», a indiqué samedi le vice-Premier ministre Cemil Ciçek dans un entretien au journal d'expression anglaise Today's Zaman. «Le nord de l'Irak fait partie de l'Irak et les Kurdes irakiens doivent passer par leur propre administration à Baghdad pour nous parler», a-t-il souligné. Mais la réalité est bien autre. D'autre part, une nouvelle crise semble poindre entre Baghdad et Damas, le président kurde irakien Jalal Talabani dénonçant violemment le soutien qu'apporte, selon lui, le président syrien, Bachar Al-Assad à une éventuelle intervention de l'armée turque dans le nord de Irak, jugeant que son homologue syrien «avait dépassé toutes les lignes rouges» selon le quotidien saoudien Al-Shark Al-Awsat. Toutefois, le ministre syrien de l'Information Mohsen Bilal a démenti hier et assuré que le président Al-Assad n'avait pas évoqué à Ankara l'éventualité d'une action militaire turque selon ses déclarations publiées hier par l'agence Sana. Lors de son séjour à Ankara, le président syrien aurait dit «soutenir» une éventuelle intervention de l'armée turque en Irak, contre les positions du PKK, estimant qu'une telle opération découlerait d'un «droit légitime» de la Turquie, selon la presse turque de mercredi. Propos non confirmés cependant du côté syrien. Néanmoins, les attaques du PKK contre la Turquie risquent de semer la discorde entre plusieurs pays d'une région qui fait face aux violences et à des crises récurrentes et n'a sans doute pas besoin de ces bruits de bottes qui s'annoncent.