Elle a été la première Algérienne à monter sur les planches, il y a de cela bien longtemps. Aujourd'hui, le monde féminin du théâtre ne l'oublie pas. Et lui rend, en ce premier festival de la production théâtrale féminine, du 25 au 31 janvier 2012 à Annaba, un hommage à la mesure de la grande dame qu'était Keltoum. Rose rouge pour moi, Mariage par téléphone, Rouge l'aube, Al Aghra, Les concierges, Le vent des Aurès, Othello, Les violeurs, Décembre, Hassan Taxi, Mort d'un commis voyageur, Hassan Niya, Les folles années du twist, La maison de Bernarda Alba… Pêle-mêle, des titres connus de pièces théâtrales et de films où Keltoum, Aïcha Adjouri de son vrai nom, était présente en star ou en guest-star. Presque 70 ans sur les planches et les plateaux de tournage. Keltoum, disparue en novembre 2010, a donné son nom à la première édition du Festival national culturel de la production théâtrale féminine de Annaba. Mercredi soir, au théâtre Azzeddine Medjoubi, à l'ouverture de la manifestation, la plupart des comédiennes, qui ont côtoyé Keltoum par le passé, ont été honorées. Dix en tout : Fadila Assous, Aïda Guechoud, Wahiba Zekkal, Fadela Hachemaoui, Fetouma Bouamari, Fatiha Soltane, Najet Taïbouni, Fouzia Aït El Hadj, Fatiha Berber et Nadia Talbi. «Keltoum m'a dit un jour : il n'y a pas de mystère dans l'art, il faut l'aimer, il vous le rend bien ! Si vous trichez, il vous lâche», a reconnu Najet Taïbouni, auteure, entre autres, des pièces Hadria oua El Haoues et Ras El Khit. «Keltoum était la mère et l'école», a confié avant elle Fadéla Hachemaoui dans le documentaire de 16 minutes de Ali Aïssaoui, projeté en début de cérémonie. La «découverte» Fetouma Bouamari a interprété un couplet de la chanson de Ya oulad al orbane, de Keltoum. Peu d'Algériens savent que Keltoum fut une chanteuse à une certaine époque. C'est grâce à cela qu'elle fut «découverte» par Mahieddine Bachtarzi au milieu des années 1930 à Blida. Kamel Brouki a, dans le documentaire perfectible de Ali Aïssaoui, parlé de «la rebelle tranquille» que fut Keltoum. «Chaque ride de cette dame cachait une souffrance. Elle n'a vécu depuis l'âge de 14 ans que pour le théâtre. Elle a pendant longtemps joué avec Bachtarzi, Rouiched et Habib Réda. Elle fut parmi les rares comédiennes à être à l'aise tant dans le drame que dans la comédie. Elle est restée fidèle au jeu réaliste et spontanée», a-t-il relevé. Keltoum, comme elle le confiait dans le même documentaire, a toujours considéré le théâtre comme l'art de la liberté. Sonia, commissaire du festival, a cité plusieurs noms d'actrices qui ont marqué ou qui marquent encore le théâtre, le cinéma et la télévision en Algérie. «Toutes ces femmes ne méritent-elles pas un festival dédié à leur production ?», s'est-elle interrogée. Boudjemaâ Benamirouche, conseiller au ministère de la Culture, a annoncé que le nouveau festival sera soutenu «moralement et matériellement» par le département de Khalida Toumi. Un festival déjà institué. Medjoubi, Mimiche et les autres Sonia, qui s'occupe également du théâtre régional de Skikda, a, lors d'une rencontre hier avec les journalistes, évoqué les dernières activités du Théâtre régional de Annaba. Elle a cité les générales de Les martyrs reviennent cette semaine, d'après une œuvre de Tahar Ouettar, et Akher Guendouz, de Hamid Gouri. «Le 12 février prochain, nous allons organiser la commémoration de Azzeddine Medjoubi (assassiné en février 1995, ndlr). Nous allons également faire un peu de production ; c'est important pour un théâtre régional. J'ai un projet en tête que je vais bientôt soumettre au comité scientifique. Pour la célébration du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, nous avons déposé un texte au ministère de la Culture», a-t-elle annoncé. Le TR Annaba se rappellera aussi de Toufik Mimiche, mort sur scène en mai 2010, lors de la répétition de la pièce Hayat Mouadjala (Vie reportée). Sonia a estimé qu'il est tout à fait naturel que le jury du festival soit composé de poètes, dramaturges et universitaires. Le jury de cette année est présidé par la poétesse Zeïneb Laouadj. «Ce festival doit forcément devenir professionnel. En 2013, nous allons demander aux directeurs des quatorze théâtres régionaux d'être également au rendez-vous du Festival de Annaba, comme ils le font déjà pour le Festival national d'Alger ou le Festival du théâtre amazigh de Batna. Nous le disons : faites un effort de donner l'opportunité à une femme d'écrire un texte ou de faire une mise en scène», a insisté Sonia, précisant que chaque édition portera le nom d'une artiste disparue. La soirée d'ouverture a été animée par l'orchestre féminin de l'association des Amis de Saddek Bejaoui de Béjaïa avec un programme hawzi léger. Elles ont été relayées par deux jeunes élèves du conservatoire communal de Annaba. Dotées de leurs violons, elles ont interprété des morceaux du patrimoine classique. Visiblement inspirée par Souad Massi, la jeune Sacha, étudiante en français à l'université de Annaba, a clôturé la cérémonie avec un petit tour de chant. «J'aime Souad Massi, mais j'ai ma propre personnalité musicale. J'ai composé et écrit des chansons tels que Mama, Klamennas, Alachalik ya denia». A travers ces paroles, je m'affirme », nous a confié Sacha après le spectacle. Un premier album, sorti en 2006, enregistré en voix opérale n'a pas été une réussite. Sacha, qui a pris part au concours télévisé «Alhanouachabab» et qui a déjà chanté à Oran et Timgad, a décidé de changer de style pour percer dans l'univers difficile de la musique en Algérie. «Je veux d'abord finir mes études avant de penser à un album», a-t-elle dit. Tous les jours, à 15h et 18h, et jusqu'au 31 janvier, des pièces seront présentées au théâtre régional AzzeddineMedjoubi. Hier, le public a assisté à Essaouad fil amel (La noirceur dans l'espoir) de la coopérative Al Rimah d'Alger avec la comédienne RymTakoucht et 132 ans, de la troupe Mouthalath al nar de la Protection civile de Dar El Beïda d'Alger. Aujourd'hui, à 15 h, la comédienne AssiaBoulahrak sera sur les planches avec la pièce Malamih (Traits) de la troupe de la cité universitaire de Batna. A 18h, Souad Sebki de l'association Mohamed Lyazid d'Alger présentera sa pièce Souk El rejal (le marché des hommes).