Le Forum économique mondial (WEF) de Davos, en Suisse, se tient depuis mercredi dernier et devrait apporter, demain à sa clôture, des réponses à la crise économique qui prévaut en Europe ou, du moins, des propositions qui pourraient servir de canevas aux discussions du prochain sommet du G20 qui se tiendra à Mexico en juin. Plus de 1 600 grands patrons venus du monde entier, une quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que 85 ministres participent à cette réunion annuelle du gratin de la finance et de la politique internationale. économiques de l'heure, ils se sont tous dits «conscients de l'énorme défi qui les attend et attend l'ensemble des décideurs du monter entier». Pour eux, la mise en place de mesures d'austérité, la réduction des déficits publics qui explosent et l'urgence d'un plan d'action pour relancer l'économie sont, aujourd'hui, plus que nécessaires. Lors de son discours d'inauguration, la chancelière allemande, Angela Merkel, a lancé un nouvel appel à la réforme de la gouvernance européenne et à la rigueur. «Sans réforme, a-t-elle dit, l'Europe deviendra un marché pour les touristes», rapportent les agences de presse. La dirigeante de la première économie européenne confirme, ainsi, que «le chemin emprunté jusqu'à présent par l'Allemagne pour résoudre la crise de la dette était le bon». Il n'est toujours pas question, pour elle, de «desserrer une fois encore les cordons de la bourse en augmentant la capacité des pare-feu que l'Europe cherche à mettre en place pour éviter la contagion de la crise de la dette à d'autres pays». Mais cet appel à l'austérité a été ralenti par une «contre-attaque» venue du Premier ministre britannique, David Cameron, qui s'est clairement exprimé contre cette idée, mais surtout contre le projet de taxe sur les transactions financières porté notamment par la France et soutenu par l'Allemagne. «C'est tout simplement de la folie», a lancé le leader conservateur, qui ne perd pas de vue les intérêts de la City de Londres. Bien que son pays se soit refusé à faire partie de la zone euro, David Cameron a enjoint à celle-ci d'aller beaucoup plus loin «dans l'intégration économique la plus profonde possible». Il a mis en évidence «l'audace de la politique monétaire britannique où la Banque centrale achète de la dette publique à tour de bras, ce qui permet de maintenir les taux d'intérêt à un niveau très bas sans empêcher toutefois le pays de frôler la récession». Il n'en demeure pas moins que les projets défendus par le couple franco-allemand et la Grande-Bretagne se rejoignent sur un point : la nécessité de trouver les moyens de remettre l'Union européenne sur les rails de la croissance. Pour cela, Londres et Berlin défendent des thèses assez proches. A défaut de pouvoir compter sur les politiques budgétaires pour relancer la machine, il est nécessaire, selon eux, «d'introduire plus de flexibilité dans un certain nombre de secteurs afin d'accroître la compétitivité et d'encourager une politique de l'offre plutôt qu'une énième relance par la demande». Plan de sauvetage pour la Grèce Considérée comme étant l'épicentre de la crise, la Grèce n'en finit pas de s'enfoncer dans la récession et les négociations qu'elle mène avec ses créanciers privés (banques, fonds d'investissement, etc.) ne sont toujours pas bouclées. Cependant, le commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, a annoncé, hier à Davos, qu'un accord visant à réduire la dette de la Grèce interviendra probablement avant ce week-end : «Nous sommes sur le point de conclure un accord, si ce n'est pas aujourd'hui (vendredi), ce sera sans doute ce week-end», a-t-il déclaré. De son côté, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a précisé que «cet accord devra être ambitieux et assurer que le total de la dette grecque soit ramenée à 120% de son produit intérieur brut (PIB) d'ici 2020, comme l'a déjà exigé le Fonds monétaire international (FMI)». A la question de savoir si la Banque centrale européenne devrait accepter des pertes sur les emprunts d'Etat grecs qu'elle détient, le ministre français de l'Economie, François Baroin, a répondu qu'il revenait à la BCE de définir sa politique. De son côté, le président de BNP Paribas, Baudouin Prot, a estimé au Forum de Davos que «le sentiment des marchés financiers à l'égard de la zone euro pourrait avoir franchi un cap, mais les banques n'offriront aucune concession supplémentaire dans les négociations visant à effacer une partie de la dette de la Grèce». Interrogé sur les négociations entre la Grèce et ses créanciers privés pour réduire sa dette, le patron de la Société Générale, Frédéric Oudéa, a averti du «risque d'effet de contagion» si Athènes et ses banques créancières ne trouvent pas d'accord. La donne iranienne L'autre épineuse question sur laquelle les participants au Forum de Davos devraient apporter une réponse concerne le cas iranien. Présent à cette réunion, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a appelé, hier, l'Iran et les grandes puissances à reprendre le dialogue sur le dossier du nucléaire, à l'arrêt depuis un an. Le responsable a appelé le groupe des 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France, Allemagne) et l'Iran à engager le dialogue. «Il n'y a pas d'autre alternative pour résoudre cette situation. L'Iran doit se conformer entièrement aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU», a-t-il souligné. Le patron des Nations unies s'est dit «profondément préoccupé par un rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) indiquant qu'il existe la possibilité d'une dimension militaire dans le programme de développement nucléaire iranien». Ce que Téhéran nie. Les Etats-Unis, qui ont jugé insuffisantes les déclarations du président iranien Mahmoud Ahmadinejad sur sa disponibilité à reprendre les discussions, continuent à se référer au problème iranien dans leurs prévisions économique. «L'économie américaine devrait connaître une croissance de 2% à 3% en 2012, mais il s'agit d'une description réaliste tant que nous observons un peu plus de progrès en Europe et tant que nous ne voyons pas de risques du côté de l'Iran et du front pétrolier», a affirmé, hier à Davos, le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner. C'est dire que, pour les décideurs réunis au Forum, l'heure est davantage aux interrogations qu'aux certitudes. La crainte d'une «perturbation géopolitique et économique majeure» n'a jamais été aussi forte qu'auparavant.