Pis encore, les violences ont connu un pic ces dernières semaines. Eu égard à ce constat effroyable, l'organisation panarabe a décidé hier de suspendre sa mission d'observation en Syrie, a annoncé officiellement hier son secrétaire général, Nabil Al Arabi. La «décision de suspendre la mission des observateurs a été prise après une série de consultations avec les ministres arabes des Affaires étrangères en raison de la recrudescence des violences dont sont victimes les civils innocents et après que le gouvernement syrien eut choisi l'option de l'escalade, ce qui a fait augmenter le nombre de victimes», a-t-il dénoncé dans un communiqué. De fait, le régime syrien s'en trouve au pied du mur. Le chef de la mission d'observation de la Ligue arabe en Syrie, le général soudanais Mohammed Ahmed Moustapha Al Dabi, avait déclaré vendredi que les violences avaient augmenté «de manière importante» depuis mardi, en particulier à Homs, Hama et Idleb, dans le nord et le nord-ouest du pays. «La situation actuelle, en termes de violences, n'aide pas à préparer une atmosphère (...) permettant d'obtenir que toutes les parties viennent s'asseoir à la table des négociations» principal objectif du plan arabe de sortie de crise, a-t-il ajouté dans un communiqué adressé à la presse. Depuis mardi, les violences en Syrie ont fait au moins 193 morts, en grande majorité des civils. Les 165 observateurs de la Ligue arabe ont été déployés à partir du 26 décembre avec l'accord de Damas pour surveiller l'application d'un plan de sortie de crise prévoyant l'arrêt des violences, la libération des détenus, le retrait des chars des villes et la libre circulation des médias étrangers avant l'ouverture de négociations. La Ligue s'en lave les mains Au plan strictement politique, cette suspension (qui est en fait un lâchage déguisé de la Syrie par la Ligue arabe) devrait précipiter l'intervention du Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que le souhaitent certains pays arabes. Devant le refus du régime syrien d'appliquer le plan de paix arabe et la suspension de la mission des observateurs, le Conseil national syrien (CNS) s'apprête à demander au Conseil de sécurité de l'ONU une protection contre la répression, a annoncé hier un porte-parole du CNS, qui regroupe la plupart des courants de l'opposition. Le CNS «a décidé de se rendre demain (aujourd'hui ndlr) devant le Conseil de sécurité, sous la direction de Bourhan Ghalioun, pour présenter l'affaire syrienne (...) et exiger une protection», a déclaré Samir Neshar, membre du comité exécutif du CNS, lors d'une conférence de presse à Istanbul. Au plan international, plusieurs Etats occidentaux parmi lesquels la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ainsi que plusieurs pays arabes ont présenté vendredi au Conseil de sécurité un projet de résolution qui reprend les grandes lignes du plan annoncé le week-end dernier par la Ligue arabe. Ce plan prévoit un transfert du pouvoir du président syrien Bachar Al Assad à son vice-président. Ce plan s'est cependant heurté à la Russie qui a tracé les «lignes rouges» à ne pas dépasser. La Russie trace ses «lignes rouges» «J'ai dit clairement que la Russie ne considérait pas ce projet de texte comme une base d'accord», a déclaré à la presse l'ambassadeur russe, Vitali Tchourkine, à la fin de la réunion du Conseil. «Cela ne veut pas dire que nous refusons de discuter. Nous avons indiqué quelles étaient nos lignes rouges», a-t-il expliqué, en citant l'opposition de Moscou à «toute indication de sanctions (...) et à l'imposition d'un quelconque embargo sur les armes» à destination de la Syrie. Il a aussi affirmé qu'il n'était pas question pour la Russie de «préjuger du résultat d'un dialogue politique en Syrie» en demandant le départ du président Assad. Or, le plan arabe, repris dans le projet de résolution, prévoit un transfert du pouvoir de Bachar Al Assad à son vice-président et la Ligue a pris en novembre 2011 des sanctions économiques sans précédent contre Damas. «Il y a trois ou quatre objections principales», a confirmé l'ambassadeur français, Gérard Araud. Il a fait valoir qu'il n'y avait «pas d'embargo sur les armes dans le texte» et que sur la question des sanctions et celle du «changement de régime», la résolution ne faisait que reprendre les termes de la Ligue arabe. Des experts vont se réunir demain pour préciser les points d'achoppement avant des négociations de fond mercredi. Entre-temps, des responsables de la Ligue arabe, dont son secrétaire général Nabil Al Arabi, doivent exposer mardi au Conseil les détails du plan arabe. M. Araud a dit «espérer un accord sur une résolution à la fin de la semaine prochaine», rappelant «la paralysie du Conseil de sécurité» sur ce dossier.