Dans la matinée d'hier, les citoyens de la cité Diar El Kef, commune de Oued Koreich, se sont soulevés pour descendre en flammes les autorités locales, à leur tête le wali délégué de Bab El Oued. Ces citoyens refusent, disent-ils, d'être déportés vers des chalets situés dans la commune de Bordj El Kiffan. Ils dénoncent aussi le détournement de leurs logements réalisés sur les sites de Dély Brahim, Aïn Naâdja et Beni Messous. Toutes les routes menant au célèbre quartier de Triolet ont été barricadées par les brigades antiémeute présentes en nombre important. Tous les passants étaient soigneusement filtrés. Le quartier offrait une image semblable à celle d'un lieu en état de guerre. Aux youyous des femmes répondaient les mutins par des slogans hostiles au Pouvoir. « Pouvoir assassin », « Haggarine » et « Dawlet essarakine »... ont pris le dessus sur les dizaines d'autres slogans, portant tous sur les dénis de droit. Les brigades antiémeute se déployaient pour étouffer la révolte des 756 familles de Diar El Kef, en vain. Les citoyens révoltés ont envahi une bâtisse nouvellement réceptionnée pour casser tout sur leur passage. A coups de pierres, des vitres sautaient en éclats, des persiennes sont balancées du haut des balcons. Comme pour détendre l'atmosphère, les services de sécurité se devaient de joindre la force à la « diplomatie » pour libérer cet espace devenu « propriété » des mutins en un clin d'œil. Le wali délégué, qui s'est réfugié au sous-sol d'une bâtisse, a récolté la primeur des quolibets. Il est désigné responsable à un haut degré des émeutes qui s'y déroulent par les citoyens. Le président de l'APC de Oued Koreich, absent sur les lieux, a reçu, lui aussi, son quota de remontrances. « Le wali délégué de Bab El Oued et le président de l'APC de Oued Koreich sont responsables de cette situation de pourrissement. Ils ont volontairement poussé le bouchon à ce stade pour nous pousser vers la réalisation d'un autre 5 octobre », nous diront plusieurs citoyens en colère. Au moment où le wali délégué de Bab El Oued, M. Kadi, avait reçu une délégation de citoyens pour négocier une possible sortie de crise, les émeutiers poursuivaient leur mouvement qui consistait à démolir les rampes des cages d'escaliers des immeubles avoisinants. « Jusqu'à maintenant, le wali délégué n'a pas réussi à nous faire des propositions fiables et réalistes. Il persiste dans son entêtement à vouloir nous loger dans des chalets à Bordj El Kiffan », signalera un négociateur. Les journalistes de la presse privée sont assaillis par les citoyens qui voulaient transmettre un message au président de la République. « Dites au Président que nous ne sommes pas des hors-la-loi. Nous exigeons nos droits au logement uniquement », nous diront aussi des citoyens. Il nous était difficile de vadrouiller au milieu de ces citoyens qui tenaient à « déballer » ce qu'ils avaient sur le cœur. « Nous vivons dans ces lieux depuis 1957. Plusieurs projets de logements qui nous étaient destinés ont été détournés par des responsables ingrats. Il n'est plus question pour nous de rester les éternels spectateurs au moment où nos droits élémentaires au logement sont bafoués », enchaîne un groupe de citoyens. Les femmes en veulent énormément au wali délégué et au président de l'APC de la commune de Oued Koreich. Elles les désignent de tous les noms d'oiseaux. « Ces responsables d'un autre âge privilégient la politique de la hogra et de la matraque. Ils oublient vite les causes et les conséquences des évènements douloureux du 5 Octobre 1988 qui sont en partie l'émanation de la politique du bâton. Nous refusons les chalets et advienne que pourra. Les bastonnades dont sont l'objet nos enfants actuellement de la part des services de sécurité ne pourront pas nous faire reculer. » En contrebas de ce lieu de regroupement de femmes et d'enfants, un automobiliste au volant d'une Peugeot Partner a failli se faire lyncher par les mutins pour avoir tenté de forcer un barrage humain formé par les protestataires. Le wali délégué, qui a improvisé un point de presse, semblait embarrassé par la tournure des évènements. « Nous allons dans une première action recenser les citoyens intéressés par les chalets. Les autres seront regroupés dans des bâtisses mitoyennes, en attendant de trouver des solutions qui arrangeraient toutes les parties. » Toutefois, le wali délégué s'est refusé de répondre à notre question sur le détournement à d'autres effets des bâtisses destinées aux citoyens protestataires