Le titre est poétique : Les larmes de la lune (Doumoue al qamar)l La pièce, conçue par Fadéla Assous à partir des textes de Kateb Yacine, a été présentée dimanche soir au théâtre régional Azzeddine Medjoubi de Annaba, et ce, à l'occasion du Premier festival culturel national de la production théâtrale féminine, qui se veut un hommage à l'auteur de Nedjma. Annaba De notre envoyé spécial La metteur en scène, aidée par le jeune Aboubakr Essedik Benaïssa, qui a également interprété le rôle de Kateb Yacine, a travaillé avec des étudiants du département des arts et des langues de l'université de Sidi Bel Abbès. «J'ai trouvé chez ces étudiants de l'écoute, un physique, de la couleur. Je les ai aidés à retravailler la voix. Ils étudient le théâtre, mais ne l'ont jamais pratiqué. Au départ, c'était une formation dans le cadre d'un atelier. C'est devenu une pièce», a expliqué Fadéla Assous, lors du débat après le spectacle. En 45 minutes, Fadéla Assous a tenté de «résumer» l'œuvre dense de l'auteur de Le cercle des représailles. La scénographie dépouillée est articulée autour de la mémoire, comme ce porte-manteau installé comme un rempart au fond de la scène, où l'on accroche les souvenirs. La musique vivante de Hamid Dedjili, interprétée sur scène, flûte, mandole et bendir, donne un rythme à un spectacle où la chorégraphie cache parfois la faiblesse du jeu dramatique. Tout commence par les airs berbères de flûte annonçant la naissance d'El Kablouti. «Je suis une blessure née. Une blessure qui ne guérit pas», lance le poète. Il est habillé d'une chemise de bûcheron, d'un pantalon bleu de Shanghaï, d'un chapeau de paille, d'une écharpe rouge et d'un bâton. Le groupe (une douzaine de comédiens) enchaîne avec une protest song : Ezman tbdel (Les temps ont changé). On est quelque part dans l'univers katébien. Lakhdar, le personnage du roman Nedjma, est là. Mouh Ezzitoun et Nedjma aussi. «L'étoile qui paraît chaque automne et qui vient essuyer mes larmes», dit l'artiste amoureux, celui qui avait donné son cœur à «la cousine mariée». Plus loin, l'un des personnages, jusque-là effacé, interprète Ya Hada khti de Aïssa Djermouni. Le chant aurésien figurait parmi les desserts préférés de Kateb Yacine. «Le jasmin porte ma mère, ma sœur et ma campagne. Le jasmin porte les étoiles», lance encore le poète. Jasmin pour Yasmine, prénom de la mère de Kateb Yacine. «Raconte, ô toi le fou. Ta sagesse est ta folie. Et ta folie est ta sagesse», réplique une femme portant la voix de la société d'en haut. A-t-on un jour pris au sérieux les poètes, les artistes, qui dénudent les souffrances ? La folie, comme la rage, est le parfait prétexte, fatalement facile, que trouve l'oppresseur pour vider la colère de ses opposants. La pièce évolue à travers les écrits de l'auteur de Le polygone étoilé : le massacre de mai 1945, les épidémies, les collaborateurs du colonialisme (les hlalef), les religieux tacticiens, ceux qui «ramènent de la matraque du paradis...» Fadéla Assous s'est beaucoup inspirée des écrits inédits, notamment les poèmes, de Kateb Yacine (L'œuvre en fragments, textes collectés par Jacqueline Arnaud en 1986). Cependant, la pièce a un certain goût d'inachevé. La fureur contestataire de l'auteur de Le poète comme un boxeur est presque absente. A peine quelques éclats de voix dit parfois collectivement par les comédiens : «La vie est belle, l'humanité est plus belle», «Celui qui aime le silence vivra humilié», «Le gouvernant est ivre, le peuple furieux et inquiet», «Hadhi blad el gandour» (C'est le pays de la gandoura)… «J'ai donné l'essentiel. J'ai préféré le côté poétique, le côté souffrance de l'œuvre de Yacine. Yacine était attaché à sa mère, à Nedjma, à la terre, à la patrie. Je ne me suis pas ligotée dans cette pièce. J'aurais pu monter une œuvre complète de Yacine. Dans ce spectacle, il y a le rêve, les défis, les ambitions, la rage et le courage de l'écrivain. Je ne pouvais donc pas puiser toute l'eau du puits», a justifié Fadéla Assous.
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