Pour la première édition du Festival national de la production théâtrale féminine de Annaba, qu'abrite depuis le 25 janvier dernier le théâtre régional de la ville, le public a pu découvrir sur les planches une œuvre théâtrale qui signe le retour d'une grande dame du 4ème Art, Fadhéla Assous. Après une longue absence, celle qu'on a surnommée la tigresse revient avec la troupe de l'université de Sidi Bel Abbès Djilali El Yabès, dont elle assure la formation. Comédienne hors pair, Fadhéla s'est reconvertie en metteur en scène le temps d'un spectacle rendant hommage à l'illustre Kateb Yacine, qui, rappelons-le, a laissé son empreinte dans le théâtre de Sidi Bel Abbès où il a travaillé.Créée par Mme Assous, Doumoû el qamar (Les larmes de la lune) est une pièce dont le texte est inspiré des poèmes inédits du défunt Kateb, de Nedjma et des extraits de ses pièces phares la Guerre de 2000 ans et Mohamed prends ta valise. Le rideau se lève, quatre portemanteaux sont alignés, les dix comédiens sont vêtus de blanc immaculé. Le travail effectué sur la mise en scène est clairement visible même si les comédiens ont tendance à rester assez mous. Pas assez imprégnés de leurs personnages, les comédiens de la pièce ont cassé le rythme à plusieurs reprises. Mais le public reste cependant absorbé par le texte de Kateb et le génie de la metteur en scène. La pièce est un montage de textes qui relatent l'histoire de l'Algérie à travers celle d'un douar. La Seconde Guerre mondiale et la Révolution algérienne y sont les éléments principaux auxquels se mêle le personnage de Kateb Yacine qui effectue plusieurs allers-retours sur la scène en quête de sa Nedjma. Il joue le rôle du conteur. Il est le fil conducteur de la pièce. Toutefois, mis à part l'aspect narratif de la pièce, on ne retrouve aucune forme de contestation. L'ironie est très présente, le discours est parfois direct, mais circoncis. La présence d'un musicien sur scène a ajouté à la pièce une dimension plus esthétique. Jouant de plusieurs instruments, flûte, violon et tar, il a donné à chaque tableau le ton adéquat. Le spectacle développe également la dimension spirituelle des textes de Kateb, ce qui est certainement dû à la lecture personnelle de la metteur en scène.Interrogé sur le choix de cette pièce, Mme Assous, artiste dans l'âme, nous offre une réponse très poétique : «C'est en rentrant chez moi que mes yeux se sont rivés sur les inédits de Kateb Yacine. J'ai plongé le nez dans ce document et j'ai passé toute la nuit à écrire en compagnie de l'esprit de Kateb Yacine», dira-t-elle. Très proche des jeunes, l'artiste anime régulièrement des ateliers de formation en Algérie et à l'étranger. «En travaillant en compagnie de la troupe de Kateb, j'ai appris une seule chose de la part de mon mentor, c'est qu'il faut toujours aider les autres. Ce sont des gens purs et droits qui méritent d'être orientés. C'est pour cela que j'ai toujours préféré travailler avec des amateurs. C'est quoi sinon être artiste professionnel ?», affirme Mme Assous.Concernant la durée de la pièce jugée assez courte (45 minutes), elle nous répondra que cela est dû à sa volonté d'aller vers l'essentiel.Malgré les petites lacunes dont souffre Doumoû el qamar, cette production s'est distinguée lors de cette compétition par sa mise en scène et la beauté de son texte. Le seul hic reste l'interprétation des comédiens, des comédiens que Fadhela Assous compte bien encadrer, soutenir et orienter pour dévoiler toute la force et la beauté de la pièce.