Que peuvent les lois là où ne règne que l'argent», disait l'écrivain romain Pétrone. Surtout lorsqu'il s'agit de brasser large dans un négoce illicite qu'on appelle, par fausse pudibonderie, marché informel. A l'approche du Mawlid Ennabaoui Echarif, les seigneurs de l'import des produits pyrotechniques ne ratent pas l'aubaine pour faire florès, bien que cette année, des quantités, estimées à des centaines de tonnes de produits pyrotechniques, n'ont pu passer entre les mailles de la Douane, les stocks de l'année précédente ne manqueront pas de renflouer la gibecière des «petits» nababs. L'espace public attitré pour ce genre de commerce juteux demeure la rue Ali Amar (ex-Randon). Une rue tout indiquée, qui se voit envahie par des étals bien achalandés en arsenal : pétards, bombes, mini ou double bombe, feu de Bengale et autres petits artifices fulminants. Des pères de famille cafouillent dans ces journées glaciales, au milieu de ce charivari indescriptible, mettant au rancart l'esprit de l'événement, à savoir la dimension spirituelle du Mawlid Ennabaoui. Même au prix d'éventuels risques, l'essentiel, disent-ils, est de créer la sensation dans une ambiance flamboyante et, accessoirement, donner matière aux joyeux drilles de batifoler et faire usage de ces produits détonants qu'ils jugent anodins. On fait feu de tout bois en dépit d'une météo très peu favorable... En dépit du décret n°63-291 du 2 août 1963 relatif à la «prohibition, la fabrication, l'importation et la vente sur le territoire national de pétards et tous les articles pyrotechniques du genre bombe cartouche ou bombe fantaisie», on continue à se prêter fébrilement à ce jeu foudroyant, même si on crève l'œil de son voisin, on embrase un immeuble ou on endeuille toute une famille. Visiblement, on ne sait plus faire la fête. Autrefois, le Mawlid Ennabaoui était fêté dans une ambiance particulière dans la cité d'Ibn Mezghenna avec ses cantiques chantés par les qaçadine au mausolée Sidi Abderrahmane Etthaâlibi. Aussi, si les «festoyeurs» de Noël accueillent la fête de la Nativité du Christ avec, entre autres, le sapin décoré, certaines vieilles familles algéroises continuent à marquer la fête du Mawlid Ennabaoui avec une symbolique qu'est la manara, qui se résumait dans ces cierges géants habillés de festons et lampions chatoyants parsemant l'espace de la médina, et dont les initiateurs étaient les manufactures Job et Benchicou, se rappelle un octogénaire. Certaines familles à Koléa, Blida, Miliana se mettaient elles aussi de la partie en enjolivant leurs demeures de la manara, ce sérouel enguirlandé – rituel pérennisé depuis l'époque des Fatimides.