L'interview de Salah Azzoug fait suite au débat sur les pénuries répétitives en carburant qui touchent certaines régions du pays, notamment l'ouest. Youcef Yousfi et Abdelhamid Zerguine, respectivement ministre de l'Energie et PDG de Sonatrach, sont intervenus dans le débat, annonçant la construction de nouvelles raffineries en vue de satisfaire la demande nationale et d'améliorer la qualité des produits pétroliers. Salah Azzoug, ingénieur en raffinage et pétrochimie va à l'encontre de ces thèses. Il estime également qu'une opération de réhabilitation des raffineries existantes permettra d'augmenter la capacité d'environ 5 millions de tonnes/an. - La croissance de la demande nationale en carburant est telle que notre pays a recours, depuis plusieurs années déjà, à l'importation de quantités de produits raffinés de plus en plus importantes. N'est-il pas plus opportun de réaliser de nouvelles raffineries pour assurer l'autonomie nationale? Réaliser de nouvelles raffineries permettra, certes, de mettre sur le marché national des quantités supplémentaires de carburant. Ceci n'assurera pas, pour autant, l'autonomie de notre pays car, compte tenu du niveau de nos réserves pétrolières, évalué à moins de 18 ans, nous serions obligés, à brève échéance, d'importer du pétrole brut pour alimenter ces raffineries. On ne fera donc que remplacer l'importation des carburants par celle du pétrole, en quantités beaucoup plus importantes et, probablement, dans des conditions économiques moins avantageuses. C'est pourquoi je considère qu'il ne suffit pas de construire de nouvelles raffineries pour garantir l'autonomie nationale en carburant. Par ailleurs, l'augmentation de la production de produits raffinés ne passe pas, nécessairement, par la réalisation de nouvelles raffineries. La réhabilitation des raffineries existantes, actuellement en cours d'exécution, permettra, par exemple, d'augmenter la capacité d'environ 5 millions de tonnes/an. Un autre moyen de satisfaire la demande du marché est de lancer la construction, à l'intérieur des raffineries existantes, d'unités de transformation du fuel, produit exporté actuellement, en gasoil, dont la demande n'est satisfaite, en partie, que par l'importation. - La sobriété énergétique et l'utilisation de carburants alternatifs sont d'autres mesures, souvent mises en avant, pour parvenir à l'autonomie. Comment notre pays peut-il mettre à profit de telles mesures ? Effectivement, nous ne pouvons répondre à la demande du marché en agissant sur le seul levier de l'offre. Il faut aussi agir sur la question, primordiale, de la rationalisation de la consommation. Nous ne pouvons nous permettre le luxe d'ignorer cette question. Toutes les nations développées font, aujourd'hui, une véritable chasse au gaspillage d'énergie pour réduire leur demande. Elles promeuvent, aussi, l'utilisation, en priorité, des ressources dont elles disposent localement. Le Brésil a, par exemple, réussi à atteindre son autonomie énergétique, parce que, pour pallier à son manque de pétrole d'alors, il a, il y a plus de 30 ans, carrément inventé un nouveau carburant (le bioéthanol). - A titre de comparaison, dans notre pays, gazier avant tout, comment expliquer que les carburants gaziers, dont les qualités techniques sont reconnues partout et par tous, ne soient pas massivement utilisés ? Serions-nous, aujourd'hui, dépendant des importations si nos véhicules de tourisme fonctionnaient, en grande partie, au GPL carburant ? Comment expliquer notre régime fiscal qui favorise la diésélisation du parc et, par voie de conséquence, subventionne les importations de gasoil ? Que fait-on pour améliorer l'efficacité énergétique dans le secteur des transports ? C'est de la réponse concrète à ces questions que dépendra la préservation de l'autonomie nationale en carburant.