La Ligue arabe, si douce et si conciliante avec le régime de Bachar Al Assad qui tue des civils depuis bientôt une année, a fini par abattre sa main lourde. Réunis hier au Caire, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue ont en effet adopté un train de mesures étonnant et détonnant à l'égard du maître de Damas. La Ligue a décidé ainsi de fournir un «soutien politique et matériel» à l'opposition syrienne et demander au Conseil de sécurité la formation d'une «force conjointe ONU-Arabes», selon le communiqué de cette réunion. C'est là, incontestablement un rebondissement déroutant de la part de cette organisation qui a, jusque-là, brillé par son laxisme et ses réunions inutiles face à la machine de guerre déployée par le bras armé de Bachar Al Assad. Le ton est ainsi soudain monté de plusieurs crans pour arriver à une feuille de route qui s'apparente, à bien des égards, à une déclaration de guerre en bonne et due forme de l'organisation panarabe contre le régime syrien. La Ligue a également appelé ses membres à «rompre toute forme de coopération diplomatique avec les représentants du régime syrien dans les Etats, les instances et les conférences internationales». Au chapitre économique, l'organisation de Nabil Al Arabi rappelle qu'elle maintient ses sanctions économiques contre la Syrie et réaffirme «l'arrêt des relations commerciales avec le régime syrien, à l'exception de celles qui touchent directement les citoyens syriens». Aussi, la Ligue a-t-elle décidé de tirer un trait sur sa mission d'observation en Syrie ; une mission qui a été lourdement critiquée et dont le premier responsable, le général soudanais Al Dabi, a curieusement démissionné de son poste le même jour. Scénario à la libyenne En revanche, la Ligue arabe a décidé de demander au Conseil de sécurité d'adopter une résolution pour la formation d'une force de maintien de la paix «arabo-onusienne conjointe pour superviser l'application du cessez-le-feu», selon ce texte. Au plan politique, l'organisation, qui rechignait à traiter avec l'opposition syrienne, a fini par établir un pont. Elle a ainsi décidé d'«ouvrir des canaux de communication avec l'opposition syrienne et lui fournir toutes les formes de soutien politique et matériel», d'après le communiqué final. C'est là une reconnaissance de fait du Conseil national syrien (CNS) de Bourhane Ghalioune, qui se retrouve désormais dans la peau de l'interlocuteur «légitime» du peuple syrien. Il faut rappeler que le ministre qatari des Affaires étrangères avait déclaré, samedi, qu'il avait des assurances que ce Conseil allait être reconnu par «beaucoup de pays arabes». C'est dire que la feuille de route dictée par le Qatar et les monarchies du Golfe semble ainsi respectée… Faut-il préciser que les membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) se sont réunis hier au Caire, avant le début des travaux de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères. Un plan venu du Golfe adopté au Caire Ils ont alors accordé leurs violons et arrêté la conduite à tenir pour faire plier certains pays de la Ligue arabe, dont l'Algérie, qui n'étaient pas très offensifs vis-à-vis du régime syrien. Le fait est que la Ligue a complètement changé sa perception du conflit syrien du jour au lendemain. Alors qu'il était question, dans la matinée d'hier, de renforcer les effectifs des observateurs à hauteur de 3000 pour imposer le cessez-le-feu, les événements se sont subitement accélérés pour aboutir à des mesures tonitruantes, comme on n'en a jamais entendu au sein de ce cénacle peuplé de Présidents mal élus, de monarques absolus et de prince à la solde de l'Occident. Que s'est-il donc passé, hier dans la journée, pour que la douce Ligue rompe son silence et se transforme en volcan prêt à «bouffer» le clan Al Assad ? La question mérite d'être posée, abstraction faite de l'entreprise génocidaire que mène Bachar Al Assad contre son peuple. Difficile, en effet, d'expliquer ce changement de ton de la Ligue arabe, qui a évolué d'un soutien «critique» à un lâchage brutal. Désormais, le scénario libyen paraît presque inévitable en Syrie. Et le processus vital du régime têtu de Bachar Al Assad est d'ores et déjà engagé.