Quelle était grosse la déception du public qui a fait le déplacement hier à l'université de Constantine pour assister à la conférence donnée par Malek Chebel, annoncée comme hautement intéressante. La présence, formée essentiellement d'enseignants universitaires, est restée, en effet, sur sa faim au terme d'une intervention presque sans objet et amputée du débat. Malek Chebel, plusieurs fois docteur en psychologie, sociologie et sciences politiques, enseignant aux universités prestigieuses de Paris et habitué des plateaux des télés françaises, n'a pas brillé cette fois en développant un discours moralisant dénué de toute portée académique. L'auteur de L'islam des lumières devait développer justement ce sujet de recherche, mais a choisi d'emblée d'évacuer les questions d'Allah, du Prophète (QSSSL), du Coran et celle de la foi. Que lui restera-t-il alors ? Voici quelques idées abordées : M. Chebel affirme pour commencer, qu'il ne perd pas espoir pour que l'Islam redevienne ce qu'il était durant son âge d'or, notamment au XIe siècle qu'il décrit comme celui des lumières pour les musulmans. Il enchaîne en s'interrogeant si cet Islam « n'est pas arrivé aujourd'hui à maturité pour revoir deux ou trois détails et ouvrir le chemin à l'Islam des lumières ». Opération possible si l'on évacue, selon lui, les freins psychologiques et culturels qui empêchent l'essor. L'œuvre sera axée sur trois volets : d'abord régler le problème de la parole, selon M. Chebel, qui plaide pour le retour à une langue unifiée : l'arabe. Ensuite développer la tolérance, à commencer par les jeunes musulmans qui représentent une masse et une force importante. Ce travail doit, à la fin, être entrepris en prenant en compte le facteur du temps et donc il faudra agir rapidement. Ce sont là les chantiers déterminants pour le conférencier qui invite au recours au marketing pour changer l'image que se fait le monde de l'Islam et pose la problématique, selon lui, de « l'asiatisation » de l'Islam qui se pose maintenant que l'axe démographique se déplace vers l'Extrême- Orient. Ceux qui ont cherché des idées profondes dans le discours du conférencier n'ont pas trouvé grand-chose. Une dizaine d'enseignants et d'enseignantes interrogés à la fin de la conférence ont exprimé presque avec les mêmes termes leur déception et leur étonnement du contenu de l'intervention. On était peut-être venu chercher des clés pour tant de questions que les musulmans se posent aujourd'hui sur leur religion, mais l'auteur de La féminisation du monde n'a pas expliqué comment cet Islam des lumières conçoit le rapport entre l'homme et la femme ni comment il va traiter avec l'Islam orthodoxe prôné par les thèses d'Ibn Taymia qui trouvent toujours écho.