Au-delà de la situation sécuritaire explosive, le nord du Mali vit une véritable catastrophe humanitaire. Des milliers de personnes, 50 000 entre Touareg et Arabes, selon le Mouvement pur la libération de l'Azawad (MNLA) et la Coordination touareg pour la Libye (CTL) ont fui les régions du Nord touchées non seulement par la rébellion mais également du Sud, de peur des actes de représailles à leur égard, vers les pays voisins. Le climat de rébellion s'est définitivement installé pour assombrir davantage l'avenir de ce no man's land où sévissent et s'entraident les groupes d'Al Qaîda, de contrebandiers et de trafiquants en tout genre. Dans un communiqué rendu public vendredi dernier, Ishaq ag Al Housseini, porte-parole de la CTL (une organisation qui a rallié le MNLA), affirme que «par le conflit à Tessalit et ses environs, les populations sont les plus touchées en ce moment, parmi elles beaucoup ont rejoint les frontières algériennes». Selon la coordination, «la crise a poussé énormément de gens à l'exode, mais également le comportement des habitants de Bamako et de Kati qui s'en sont pris à toute personne de couleur blanche qui pourrait ressembler à un Touareg ou à un Arabe de l'Azawad. Les dégâts sont importants au point où de nombreux hauts fonctionnaires et des ministres touareg se sont vus obligés de se réfugier dans les pays limitrophes». Pour la coordination, cette crise «aurait pu être évitée si l'Etat malien avait appliqué les différents accords ou renforcé la décentralisation», précisant au passage que «le MNLA a alerté le pouvoir malien à plusieurs reprises, l'appelant au dialogue. En réponse, nous avons assisté à une remilitarisation des régions du Nord alors que l'Accord d'Alger visait le contraire». Le Mali à l'index Ashaq ag Al Housseini accuse le Mali d'avoir «mal géré» le retour de certains hommes de Libye : «Bamako a cru devoir les désintéresser avec des sommes d'argent et des promesses d'intégration dans les différents corps d'administration. Or, leurs intentions étaient tournées vers un dialogue portant sur l'autodétermination et l'administration de l'Azawad. Aujourd'hui, ce conflit a fait beaucoup de victimes, sa résolution doit être la priorité de toutes les parties. Cela passera par un cessez-le-feu réciproque en vue des négociations.» Al Housseini appelle à «un règlement définitif de cette question récurrente» et exhorte le Mali à «mettre un terme à la politique actuelle qui consiste à dresser une tribu azawadienne contre une autre et à accepter qu'un peuple puisse désirer prendre sa destinée en main». Il indique plus loin que «l'Algérie, en tant que puissance régionale, ainsi que la France et les autres pays soucieux de l'équilibre régional, doivent s'impliquer dans la résolution du conflit en se portant notamment garants de l'application de l'accord qui en découlera et qui consiste en un Azawad administré par ses fils et sans AQMI, synonyme de développement, de liberté, de démocratie, de laïcité, de justice et d'anti-corruption». Pour sa part, le MNLA, par la voix de Mahmoud ag Ghaly, président du bureau politique, dénonce l'aide aérienne apportée par un «Etat puissant» à l'armée malienne. Mise en garde Dans une déclaration rendue publique vendredi dernier, Mahmoud ag Ghaly affirme «détenir la preuve que l'Etat malien bénéficie du soutien d'un Etat puissant qui lui apporte un soutien aérien pour l'acheminement de matériel milliaire et de vivres pour son armée». Il explique que dans la nuit du 15 février dernier, «des avions ont largué des cargaisons d'aide» aux militaires maliens «assiégés» dans la base d'Amachach, à Tessalit. «Le mouvement affirme disposer de plusieurs informations sur cette affaire qu'il ne souhaite pas divulguer dans les médias», précise Mahmoud ag Ghaly, avant de condamner «fermement» ce qu'il qualifie de «partialité en faveur de l'Etat malien». «Cette intervention n'est pas juste, surtout pour un Etat étranger considérée comme étant mieux indiqué pour trouver une issue définitive à la question azawadienne, gage de la stabilité de la sous-région», déclare le président du bureau politique du mouvement. Ce dernier interpelle la communauté internationale sur le recours, par Bamako, à «des mercenaires ukrainiens pour l'entretien et le pilotage des avions de combat qui font des victimes civiles, tuent des animaux et détruisent des campements et des véhicules appartenant à des civils, notamment dans les localités d'Intedeyni, Agabo, Ouzen, Alakat et aux environs de Tessalit». Face à ce fait, le mouvement «met en garde contre les conséquences de cette ingérence étrangère» et interpelle l'Etat ukrainien, sommé «de faire en sorte que ses soldatsne prennent pas parti en faveur de l'Etat du Mali dans la répression du peuple azawadien et dans l'occupation de ses terres». Néanmoins, Mahmoud ag Ghaly réitère «l'entière disponibilité du peuple de l'Azawad à défendre sans réserve sa patrie pour un devenir meilleur, y compris par les moyens juridiques». Ce qui n'augure pas un avenir meilleur pour cette région du nord du Mali où la confusion est telle qu'aujourd'hui, il n'est plus possible de savoir qui est qui. D'un côté, les phalanges d'AQMI, les narcotrafiquants et les contrebandiers et, d'un autre, un groupe de Touareg armés revenus de Libye, le mouvement de libération de l'Azawad, le mouvement islamique de l'Azawad, créé récemment par Iyad ag Ghaly, un ancien membre de la rébellion touareg reconverti en prestataire de service attitré auprès de Belmokhtar, Abou Zeid et de toute organisation maffieuse spécialisée dans les négociations pour la libération d'otages en contre partie de rançon. Les relations de ce dernier avec les terroristes ont été pour beaucoup dans le refus de son acceptation au sein du MNLA, qui reste foncièrement anti-AQMI. Misant sur certains Touareg ayant fui la Libye, avec dans leurs bagages de l'armement lourd, Ghaly a rallié à lui de nombreux membres de la communauté arabe Brébiche pour constituer une organisation dont les objectifs restent encore indéterminés. Ce qui est certain c'est que la région est sur un volcan. Tous les ingrédients d'une explosion sont présents. Pour l'instant, le MNLA gagne du terrain, alors qu'AQMI renforce ses positions et se rapproche de plus en plus des troupes de Ghaly et de certains laissés-pour-compte revenus de Libye dans l'espoir de les avoir sous sa bannière. En face, les Etats de la région restent dans l'expectative, alors que Bamako continue à jouer la carte de la répression contre le MNLA au détriment du dialogue et de la concertation.