Contrairement à la grandiloquence des réalisations en gaz naturel brandies par les responsables, des milliers de citoyens du monde rural sont à la merci des hivers rigoureux depuis des décennies. Mis à part les grands centres urbains, tels que Mila, Chelghoum Laïd, Ferdjioua, Teleghma, Grarem Gouga et Tadjenanet, c'est pratiquement l'ensemble des régions du nord montagneux de la wilaya qui est privé de cette précieuse source d'énergie qu'est le gaz naturel. Acculés aux ultimes retranchements de la condition sociale, des milliers de citoyens s'approvisionnent en gaz butane, pour peu que celui-ci soit disponible, alors que les plus démunis recourent à des moyens primitifs et des subterfuges d'un autre âge pour cuisiner et se chauffer. Les témoignages recueillis auprès de citoyens et de responsables au niveau des communes de Hamala, Chigara, Tassadane Haddada, Elayadi Barbes et Tereï Beinen sont renversants. L'hiver est synonyme de parcours du combattant et de supplice au quotidien pour ces peuplades disséminées sur toute l'étendue de la bande frontalière nord. Au XXIe siècle et à l'heure des réalisations grandioses, ces contrées, à l'instar de beaucoup d'autres localités du pays profond, ignorent tout des bienfaits du gaz naturel, car livrées au calvaire de la quête effrénée de la précieuse bonbonne, objet d'une spéculation outrancière durant l'hiver. Taxée à 170 DA, cette dernière est cédée à 300 voire à 400 DA par des réseaux informels, selon des avis unanimes. De Chigara, qui abrite 18 000 âmes et un total de 11 agglomérations, un cadre de l'APC affirme qu'« inversement à ce qui se raconte dans la très officielle revue Echos de Mila, la crise sur le gaz butane est persistante, et 60 à 70% des riverains utilisent pour leurs besoins domestiques la bonbonne ». Même son de cloche à Hamala et ses 14 mechtas et agglomérations où un responsable met l'accent sur la rupture des stocks, vu la rareté des moyens de transport. Le vocable « gaz de ville » est également banni du lexique des populations de Tassadane Haddada (17 000 âmes et 32 mechtas), Elayadi Barbes qui compte 13 000 habitants et beaucoup d'autres bourgades excentrées au flanc et au piémont de la montagne. Des citoyens interrogés au sujet de la pénurie et la spéculation sur le prix du gaz butane ont confirmé que « c'est durant la période des grandes intempéries, des glissements de terrain et de l'enneigement que la pression se fait ressentir le plus, car les camions et les livreurs de Naftal ne peuvent desservir les douars et dechras, d'où le renchérissement sur le tarif de la bonbonne ». Une vie indécente, inhumaine et… primitive Au hit-parade de la précarité et la décadence échevelée de la condition sociale, l'on peut, à titre indicatif, citer le cas des douars Bouhlim, El Baraouk, Gaâ El Kaf, Karkaba et Bouliane, quoi qu'il en existe des dizaines d'autres. La preuve est que les habitants de ces bourgades se chauffent, de nos jours, à l'aide de branchages et de bouse de vache qu'ils sèchent et stockent durant l'été, à l'abri de la pluie pour pouvoir affronter l'hiver. Quant aux riverains, habitant au milieu des forêts, à l'image de Ouled Ameur, Boudaoud, Zaraza, Beinen, etc., ils s'adonnent à toute une gymnastique en pratiquant la coupe d'arbres et la collecte du bois, tout en faisant attention à déjouer la vigilance des gardes forestiers. Plusieurs autres municipalités, telles que Minar Zaraza, Hamala, Bouhatem, Bouslah, et la liste est loin d'être exhaustive, n'ont pas encore bénéficié du gaz naturel, eu égard aux enveloppes faramineuses que suppose le lancement de programmes plus consistants en direction de ces localités pour la plupart situées sur des reliefs montagneux.