L'amour finit mal, en général et en particulier. Dans son dernier livre, l'inclassable Akli Tadjer s'adonne une nouvelle fois à son jeu favori : désarçonner ses lecteurs. De notre correspondant de Paris La meilleure façon de s'aimer est une œuvre intimiste à deux voix, la mère et son fils, chacun mélangeant passé et présent dans une course frénétique. Saïd, jeune assureur qui fourgue des contrats à des entreprises halal, voit sa vie basculer le jour où sa mère est victime d'une attaque cérébrale. Hospitalisée, moitié légume, moitié consciente, cette dernière se réfugie dans une enfance oubliée pour donner sens à son présent. Avec son humour décalé, l'auteur de Il était une fois peut-être pas raconte avec beaucoup de tendresse les déchirements, les souffrances de ses personnages. Il rend léger l'insoutenable, au détour d'un mot, d'une expression. Saïd perd son boulot, ses nouveaux patrons, une entreprise chinoise, sont méfiants vis-à-vis du marché halal. Comme toujours, il se réfugie chez Clothide, une jeune enseignante, qu'il quitte toutes les dix minutes, tous les dix mètres. Amour ogre, amour ivre. Amours multiples. Akli Tadjer tient ici un récit universel avec la non -communication entre la mère et son fils, ces parcours parallèles qui vieillissent l'un à côté de l'autre, mais pas ensemble, enfermés dans deux univers semblables et différents. La mère, Fatima, nous fait redécouvrir une Algérie disparue, ses premiers émois dans un pays en proie à la violence. Akli montre, il ne cherche pas à démontrer. Sans l'air d'y toucher, il dénude les contradictions d'une société en quête de son identité, déjà étouffée par le puritanisme. L'amour mène à tout, si on ne sait pas le modérer. Et Akli Tadjer est dans l'excès, dans une relation entière qui laisse peu de place à la distance et la tiédeur. On peut tuer par amour. Un acte foncièrement égoïste qui devient une action forcément altruiste. Tuer pour l'autre, chercher la force en soi, comme une évidence pour libérer de la souffrance. La meilleure façon de s'aimer n'est pas un mode d'emploi ni un kit de survie, un livre où chacun reconnaîtra une partie de soi-même, enfouie à la fois profondément mais toujours à superficie. Indispensable.