Quand on demande à une Algérienne du Canada de réagir spontanément aux mots code de la famille, la réponse fuse immédiatement : « Prisonnière ! ». Même si certaines de nos compatriotes portent le hidjab, la réalité de leur situation canadienne est à des années-lumière de celle que vivent en Algérie, leur mère et leurs sœurs. Elles ne sont sous la tutelle de personne et ne peuvent être répudiées unilatéralement ni jetées à la rue. Sur le plan des droits de la femme, on n'en est plus seulement à l'égalité, on exige maintenant l'application rétroactive de la loi sur l'équité salariale (c'est-à-dire un salaire égal pour un travail différent mais équivalent). Dans le discours comme dans les textes, l'usage non sexiste impose le terme de « madame » comme l'égal de « monsieur » et « mademoiselle » disparaît en tant que titre de civilité distinct. Voilà pourquoi les Québécois, en particulier les progressistes héritiers de ce grand ami de l'Algérie en lutte que fut le Premier ministre René Levesque, ne comprennent toujours pas la régression stérilisante qui a frappé notre pays depuis l'adoption du code de la famille. Pour ceux d'entre eux qui se souviennent de l'idéal de leur jeunesse, le mouvement de libération nationale algérien s'inscrivait alors dans la modernité et l'émancipation. Ils font d'ailleurs un parallèle intéressant entre les réactions des islamo-conservateurs aux modestes réformes du code de la famille et celles des ultras de l'Algérie coloniale aux non moins modestes réformettes destinées à donner quelques rogatons de droits aux damnés de la terre avant 1954. Un demi-siècle plus tard, en Algérie, la femme serait-elle l'indigène de l'homme ? Réagissez à la chronique d'Ammar Bouzouar en écrivant à [email protected]