Pour « calmer les esprit », « renouer les liens » et trouver une solution à la crise des caricatures en France, Reporters sans frontières a donné la parole à différentes personnalités religieuses et universitaires lors d'une rencontre organisée, jeudi dernier, à Paris. Estimant qu'il n'y a pas un complot occidental contre l'Islam, Régis Debré, philosophe et spécialiste des religions, a clairement soutenu que « la liberté de s'exprimer n'a jamais été celle de dire n'importe quoi ». « Il faut admettre qu'il n'y a pas une civilisation, mais des civilisations et que personne n'a le droit d'imposer sa loi. » Jugeant par ailleurs que l'Occident n'a pas à projeter son système culturel et social sur l'autre, il a appelé à trouver « un compromis, en résistant à l'intolérance dans le clair respect de l'identité de chacun ». Eloquent et preuves coraniques à l'appui, Soheib Bencheikh, ancien mufti de Marseille, s'est dit « outré et choqué » par les réactions violentes des musulmans. « Le Coran recommande vivement à tous les musulmans de transcender toute querelle futile et de repousser le mal par le bien afin que l'ennemi d'hier redevienne l'ardent allié d'aujourd'hui. » Et d'ajouter : « L'Islam n'est pas la propriété exclusive des musulmans. Il s'adresse à l'universel. Quant au Prophète, c'est un personnage historique et politique. Il n'est ni sacré ni vénéré comme Jésus. » Indiquant qu'une religion sûre d'elle ne doit pas avoir peur de la critique, l'ancien mufti a invité tous les musulmans « à accepter le dialogue et la critique et à révoquer littéralement la violence ». Et d'enchaîner : « Quand les musulmans exigent des excuses des Danois, c'est qu'ils manifestent leur méconnaissance de la liberté de la presse. Pourtant, c'est cette liberté qui leur permet aujourd'hui de déposer des plaintes en justice, d'élever la voix et d'exposer leurs visions. » Enfin, l'intervenant a invité le cheikh égyptien, basé au Qatar, Al Karadhawi à assouplir ses positions vis-à-vis de cette affaire et à « ne plus s'entêter à réclamer des excuses aux autorités danoises ». Ailleurs, notamment dans le monde, la situation semble s'apaiser progressivement. Des initiatives citoyennes voient le jour. Au Danemark, une lettre ouverte circule depuis jeudi soir sur Internet. Près de 2400 citoyens danois ont indiqué « avoir pris leurs distances avec les caricatures », en affirmant vouloir vivre « en paix avec le monde musulman ». En France, un sondage CSA, réalisé hier pour le compte du journal catholique la Croix, a montré que « 54% des Français estiment que la publication des caricatures par les journaux de leur pays n'était vraiment pas utile ».