Le prochain gouvernement irakien disposera d'une marge de manœuvre extrêmement étroite, tant du point de vue du nombre, que de la situation qui n'incite à aucun optimisme, même le plus infime. C'est dans ces conditions que l'actuel Premier ministre irakien Ibrahim Jaâfari a été choisi hier comme candidat à sa propre succession par les chiites conservateurs majoritaires dans le nouveau Parlement, a indiqué un responsable à l'issue de la réunion du groupe parlementaire, une réunion qui ne s'annonçait pas comme une simple formalité puisqu'elle était prévue samedi. D'ailleurs, aucune raison n'a été avancée pour ce report de tout juste 24 heures. C'est peu, dira-t-on, au regard de la situation en Irak où tout est bloqué, à commencer par les perspectives de règlement et, par voie de conséquence, de retrait des troupes d'occupation. En termes de chiffre, et même si cela intéresse peu, car le plus important est à venir en raison des défiances affichées de toutes parts, ou comme on dit les ambitions des uns et des autres, M. Jaâfari a obtenu 64 votes en sa faveur contre 63 pour son adversaire, l'actuel vice-président irakien Adel Abdel Mahdi, a précisé Sami Askari, un dirigeant de l'Alliance unifiée irakienne (AUI). Il y a eu deux bulletins blancs et un député absent. Selon la Constitution, le nouveau Conseil présidentiel, composé du chef de l'Etat et des deux vice-présidents, choisit le Premier ministre dans le groupe parlementaire qui a obtenu le plus de sièges aux législatives. L'AUI a obtenu 128 sièges, contre 80 au groupe rassemblant l'ancien Premier ministre Iyad Allaoui et les listes sunnites, et 53 à l'Alliance kurde. Deux députés de la liste Rissalioun, proche de la mouvance chiite radicale, ont rejoint l'AUI. « Bien que la sécurité se soit améliorée, cette question restera la priorité du prochain gouvernement. Viendront ensuite l'amélioration de l'économie, l'accroissement des services offerts aux Irakiens et la reconstruction du pays », a affirmé aux journalistes M. Jaâfari à l'issue du vote. « Nous voulons un gouvernement d'unité nationale pour que tout le peuple irakien soit représenté », a-t-il dit. Et d'ajouter : « Il faut que le dialogue avec les autres listes se fasse dans le respect de la Constitution approuvée par le peuple irakien et le respect des résultats des élections. » Pour sa part, son challenger malheureux, Abdel Mehdi, a indiqué que l'AUI avait formé des comités pour négocier avec les autres listes. « Le prochain gouvernement pourrait être constitué à la fin de ce mois ou au milieu du mois prochain », a-t-il dit. Ce qui ne semble pas tout aussi évident, si l'on devait prendre en considération les réserves émises il y a plus d'un mois par Abdelaziz Hakim, la plus haute autorité politique chiite qui s'est déclarée fermement opposé à toute formule de consensus, la considérant comme contradictoire avec le principe de démocratie. Quoi qu'il en soit, le volet sécuritaire demeure la priorité. Durant ces tractations, la violence s'est poursuivie. Cinq Irakiens ont été tués hier, dont deux policiers, et 25 blessés à Kirkouk et à Baghdad, dans plusieurs attaques à l'explosif, selon des sources policières. La police irakienne a annoncé avoir retrouvé, tard samedi, le corps portant des traces de torture d'un entrepreneur kurde, enlevé dans la journée à Kirkouk à 250 km au nord de Baghdad et son corps portait l'inscription « Ceci est le verdict de Dieu ». Shirzad Najem Girgis, qui travaillait sur d'importants projets de construction pour le gouvernement irakien et les forces américaines, avait été enlevé samedi matin par des hommes armés. A l'ouest de Kirkouk, un médecin travaillant à l'hôpital de Hawija a été assassiné par des hommes masqués samedi, a annoncé la police. Enfin, la police de Babel, à une centaine de kilomètres au sud de Baghdad, a annoncé avoir trouvé trois corps non identifiés qui avaient les yeux bandés. Autre dossier à gérer, celui de l'ancien président Saddam Hussein et ses sept coaccusés qui ont décidé d'observer une grève de la faim pour protester contre la décision du Haut Tribunal pénal de les forcer à comparaître, a annoncé à Amman un de ses avocats. « Nous n'assisterons pas à la prochaine audience si nos demandes ne sont pas satisfaites et si le président du tribunal (le juge Raouf Rachid Abdel Rahmane) n'est pas révoqué », a ajouté cet avocat jordanien. Le procès de Saddam Hussein doit reprendre aujourd'hui. Il est jugé avec ses sept coaccusés pour le massacre de 148 villageois chiites dans les mois et les années ayant suivi une attaque du cortège présidentiel en 1982 à Doujaïl, au nord de Baghdad. Ils risquent la peine de mort, mais plaident non coupables. Saddam Hussein ainsi que les trois autres principaux accusés Barzan Al Tikriti, son demi-frère, Taha Yassine Ramadane, ancien vice-président, et Awad Ahmed Al Bandar, ancien juge du tribunal révolutionnaire, avaient refusé d'assister aux deux dernières audiences. Tout cela pose problème, et l'ancien président en profitera.