Quelle est la situation du Liban une année après l'assassinat de son ancien Premier ministre Rafic Hariri ? La réponse est simple, et à bien des égards, elle rappelle celle qui prévalait avant le déclenchement de la guerre civile en 1975. Un seul mot caractérise cette situation, l'instabilité. Et pourtant, ce pays détruit et marqué par de nombreuses et profondes fractures, avait fini par retrouver sa stabilité et son élan, grâce justement à Rafic Hariri, même si ses méthodes ne faisaient pas l'unanimité. L'homme avait ouvert son carnet d'adresses et son portefeuille selon ses détracteurs. Mais on avait oublié que Hariri était un entrepreneur avant d'être un homme politique. Mais il a été assassiné, dit-on, en raison de l'ambition qu'il avait pour son pays. Depuis cette date, c'est le retour de la peur véhiculée par une nouvelle série d'attentats - à l'explosif - tous caractérisés par un professionnalisme remarqué. Qui en est l'auteur et pourquoi ? Les regards souvent accompagnés d'un fort ressentiment et d'alliances reniées se dirigent vers la Syrie, mais pas en tant qu'entité, selon les deux rapports d'étape de la commission d'enquête internationale mise sur pied par l'ONU, une première dans les annales internationales. Des soupçons donc, mais pas de coupable, mais le Liban habitué aux crises politiques et institutionnelles a tout de même gagné le départ de son territoire de l'armée syrienne qui y était déployée depuis 1976 dans le cadre d'une Force arabe de dissuasion (FAD). Ce qui n'assure ni sa stabilité ni la coexistence de ses différentes communautés. « Le Liban traverse une période de tensions considérables (...). Le pays est en proie à des conflits sectaires sans précédent depuis la guerre civile », constate ainsi Hussein Agha politologue, professeur associé au St Anthony's College à Oxford. Ces tensions internes, dans un contexte régional troublé, s'avèrent plus fortes que la volonté de la communauté internationale d'aider le Liban, attestée par le nombre considérable de résolutions onusiennes en sa faveur. L'assistance internationale a commencé en septembre 2004 avec l'adoption de la résolution 1559, six mois avant l'assassinat de Hariri. Cette résolution, adoptée la veille d'un amendement constitutionnel prolongeant de trois ans le mandat du président Emile Lahoud, exigeait le retrait de l'armée syrienne présente depuis 30 ans au Liban et le désarmement du Hezbollah et des Palestiniens. Hariri, hostile à l'amendement constitutionnel, pour nombre de Libanais, c'est cette opposition qui en faisait un des farouches ennemis de la Syrie. Cible d'une virulente campagne de la part des alliés de la Syrie, Hariri, disait-on à son sujet, s'apprêtait à prendre la tête de l'opposition antisyrienne lorsqu'il est mort dans un attentat spectaculaire. Pendant des mois, les Libanais descendront dans la rue, initiant la « Révolution du Cèdre » , criant leur ras-le-bol du pouvoir mis en place par Damas, contrainte de retirer ses troupes en avril. Et comme le prouveront, les élections législatives du mois de juin suivant, les hommes politiques savaient que le pays ne pouvait capitaliser ce formidable élan, en raison des blocages institutionnels ou tout simplement du confessionnalisme. Cela malgré l'émergence d'un bloc dit souverainiste. Le signal est donné par l'ancien général Michel Aoun, chassé du pouvoir par l'armée syrienne qu'il voulait contraindre au départ du Liban. Dès son retour au Liban, après 15 ans d'exil, celui qui est présenté comme un candidat à l'élection présidentielle, conclut des alliances hétéroclites avec les pro-Syriens. Pour respecter la mosaïque confessionnelle, les « souverainistes » feront participer au gouvernement présidé par le bras droit de Hariri, Fouad Siniora, les partis chiites prosyriens, Amal et Hezbollah, qui monopolisent la représentation chiite. Le Hezbollah, entré pour la première fois de son histoire au cabinet, entend reporter la question de son désarmement, qui doit faire l'objet d'un dialogue soumis aux intérêts nationaux. Le boycott pendant huit semaines des ministres chiites puis leur retour au gouvernement début février se fera sans que les questions cruciales soient résolues, notamment la poursuite de l'application de la résolution 1559 ainsi que le dossier des relations libano-syriennes. Forts certainement du courant d'opposition syrien apparu à la faveur de la défection de l'ancien vice-président syrien Abdelhalim Khaddam, des ténors de la majorité parlementaire - souvent d'anciens alliés de Damas - appellent aujourd'hui au renversement du régime syrien et exigent un arrêt de ses ingérences au Liban avant toute normalisation. Simple souhait, car en face, Damas fait de la résistance, et la commission d'enquête peine à établir la réalité des faits. Khaddam, tout le monde en convient, est trop impliqué pour prétendre au rôle de meneur de l'opposition. Mais le Liban, source de convoitise - on a tendance à l'oublier - entend résoudre les problèmes les uns après les autres. Sans exclure le dossier de l'occupation israélienne, ce qui a encouragé le retour à leurs postes des ministres du Hezbollah officiellement reconnu par les plus hautes autorités du pays comme le fer de lance de la résistance anti-israélienne. Au risque de contrarier, les auteurs de la résolution 1559. Une manière pour Fouad Siniora de mettre en avant la complexité du dossier libanais. Tout est lié, et il serait alors vain de vouloir traiter ses différents volets séparément.