Plus d'un tiers (300 millions) des habitants de l'Afrique n'a pas accès à l'eau potable ni à un service d'assainissement adéquat, ce qui se répercute fatalement sur la santé publique. Le représentant de l'Union européenne (UE) a annoncé, hier à Alger, à l'occasion du lancement des travaux du 13e congrès de l'Association africaine de l'eau (AAE), qu'une enveloppe financière de 230 millions d'euros est mise à la disposition des pays africains pour cofinancer 97 projets déjà prédéfinis. Il s'agira, à travers cette initiative, d'atteindre l'objectif de garantir une disponibilité durable de l'eau pour 10 millions d'habitants et d'assurer l'assainissement des eaux usées pour 5 millions d'autres. L'UE, dont le représentant a réitéré l'engagement de soutenir les efforts déployés par le continent noir afin de mieux gérer ses ressources en eau, a créé, en outre, un fonds d'aide doté, chaque année, de 1,4 million d'euros destiné au financement des projets de développement du secteur hydraulique. Le même responsable a saisi l'opportunité de la tenue de ce congrès pour appeler les pays participants à présenter « de bon projets » susceptibles d'être financés par l'UE. Le conseil européen, lors d'une réunion tenue en décembre 2004 à Bruxelles, avait adopté un document portant sur la nouvelle « stratégie pour l'Afrique » pour énoncer des mesures que l'UE devrait prendre dans le cadre d'une coopération UE-Afrique. Cette coopération avait prévu, notamment, un montant de 500 millions d'euros destinés à une facilité européenne pour l'eau et une somme de 220 millions d'euros destinée à une facilité en faveur de l'énergie. En présence de plusieurs centaines de spécialistes et de représentants de sociétés africaines de gestion de l'eau et de l'assainissement, le ministre algérien des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, a estimé, de son côté, que les investissements devant couvrir les besoins essentiels en eau et en assainissement sur une période de vingt ans en Afrique sont évalués à 12 milliards de dollars par an. Il considérera, à cet effet, que dans un tel contexte, « c'est fondamentalement pour substituer la géographie de la solidarité à celle des conflits et de la pauvreté que les pays du continent africain se sont engagés dans le NEPAD, en conjuguant leurs efforts au service du développement et de la paix, notamment à travers le renforcement des investissements dans les secteurs prioritaires, dont celui de l'eau ». Pour le chef de la diplomatie algérienne, Mohamed Bedjaoui, présent également au congrès, « le véritable défi qui se pose aux leaders est celui de savoir anticiper tout comportement pouvant mettre cette ressource (l'eau) au centre de crises ou de conflits entre Africains ». Se voulant plus critique à l'égard des initiatives africaines jugées peu probantes, le président du Congrès mondial de l'eau (CME), Loïc Fauchon, a estimé que « ces fameux objectifs du millénaire dont on nous parle sans cesse, mais pour lesquels nous n'agissons pas assez, progressent peu, et souvent nous régressons ». Faisant allusion aux différents conflits qui déchirent le continent africain, le responsable du CME a appelé à faire de l'eau une priorité absolue. « En direction des maîtres des coopérations bi ou multilatérales, en direction des grands argentiers, en direction de ceux qui font les décisions, dire et redire que l'eau et l'assainissement sont une priorité parmi les autres priorités et que le téléphone portable c'est bien, mais que l'eau potable c'est mieux », a-t-il indiqué. Et d'ajouter : « Plus que jamais, des robinets à la place des fusils. Si nous devons créer une force, cette force doit être civile. Une force africaine d'intervention pour l'eau. » Car, selon lui, « les crises trop nombreuses, les catastrophes fréquentes, les conflits incessants exigent que soient regroupés les capacités, les experts africains capables d'évaluer les secours, de coordonner leur mise en place ». Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 50% des Africains souffrent d'une des six maladies à transmission hydrique les plus connues. L'Afrique ne manque pourtant pas d'eau, puisqu'elle renferme au moins 5400 milliards de mètres cubes, mais n'en consomme que 4% faute d'argent et d'infrastructures suffisantes.