Pendant plus d'une décennie, le pouvoir a déployé une gigantesque campagne de dépolitisation des mosquées. Objectif avoué : couper la sève nourricière de l'extrémisme religieux et mettre fin à l‘endoctrinement des fidèles. Ce fut l'une des solutions trouvées pour tarir autant que faire se peut les recrutements dans les lieux de culte. C'est une démarche tout à fait défendable, voire inattaquable, dès lors que la parole de Dieu professée dans la mosquée ne peut cohabiter avec le prosélytisme politique prêché par les partisans de «l'islamisme politique». Seulement, le pouvoir s'est pris à son propre piège. Dans sa mission de purification des mosquées du discours politique des islamistes, il a tôt fait de franchir le pas en y assurant des sermons dignes du 20 heures de l'ENTV. Des imams fonctionnarisés par leur ministre de tutelle, qui émarge au RND, se retrouvent contraints de relayer la propagande politique de Ouyahia et Belkhadem sur le nécessaire «vote massif» au lieu d'enseigner les préceptes religieux qui interdisent la fraude, le détournement de la confiance du peuple et le vol de l'argent public. En voulant chasser les islamistes – sans trop de succès – des mosquées, le pouvoir a, sans scrupule, investi ce haut lieu de la politique pour y prêcher sa bonne parole. Le ministre des Affaires religieuses qui déclarait doctement, en janvier dernier, que la campagne électorale est interdite dans la mosquée car elle constitue «une atteinte flagrante à cette enceinte», est revenu cette semaine administrer une autre «khotba» à ses imams : «Dites aux fidèles d'aller accomplir leur devoir de citoyenneté le 10 mai prochain.» Votez au nom de Dieu ! Les voilà donc, ces pouvoirs publics qui nous haranguent sur l'inviolabilité politique des lieux de culte, pris en flagrant délit de politisation de la mosquée ! Le dicton bien de chez nous «licite pour moi, illicite pour toi» résume parfaitement ce monopole éhonté de l'usage de la religion à des fins politiques. Question à un dinar : les partisans du boycott sont-ils autorisés à investir les mosquées pour défendre leur cause ? La réponse est évidemment négative pour la simple raison que ce lieu de culte ne devrait, dans l'esprit de ceux qui nous gouvernent, répercuter que leur discours politique. Par ce procédé, on abuse insidieusement de la crédulité des gens en leur faisant croire que voter est une exigence quasi sacrée, à rebrousse-poil de ce que la religion même enseigne. C'est une propagande insupportable de la part d'un régime qui diabolise opportunément les islamistes pour se présenter comme l'ange gardien de la morale… politique. On est donc en pleine exploitation politicienne d'un lieu de culte censé être la maison de Dieu, qui accueille tout le monde sans discrimination de race, de couleur et désormais d'étiquette politique. C'est dire que, au-delà de cette dérive politique indécente, la prise en otage des mosquées dénote que le pouvoir est aux abois après avoir épuisé tout son stock d'arguments politiques qui semblent tomber dans l'oreille d'un sourd.