Il est étonnant de constater de quelle manière tout un gouvernement est mis à contribution pour ranimer un électorat qui semble penser à tout sauf à la prochaine élection présidentielle. Le staff gouvernemental s'agite et se démène pour enrôler le maximum de partisans dans la course aux voix des électeurs quitte à utiliser les moyens de l'Etat et à défier les lois de la République. Bouabdellah Ghlamallah fait fi des lois de la République - qu'il représente pourtant en tant que ministre - ordonnant aux imams de jouer carrément un rôle politique, lui qui a passé ces dernières années à affirmer que la mosquée doit échapper aux manipulations politiques. Comment peut-on qualifier l'injonction du ministre si ce n'est une tentative de se servir d'un lieu de culte à des fins politiques en appelant les imams à faire partie de la propagande participationniste ? Les mosquées censées diffuser la parole divine, vont devoir se transformer en tribunes pour répandre une autre parole d'essence terrestre et de nature politique exclusivement supportrice de l'option du vote massif. Suivant quelle logique, monsieur le ministre peut-il justifier une telle injonction qui rend licite pour l'Etat l'utilisation des mosquées à des fins politiques et l'interdit pour les autres ? Mesure-t-il le danger d'une telle aventure qui pourrait justifier demain le retour des discours enflammés de certains imams prônant une dawla islamiya. Ce n'est pas un Ghlamallah qui irait dire ce jour-là que l'Etat a mis tous les moyens pour protéger les lieux de culte des influences politiques et différents souffles extrémistes et fanatiques. La mémoire collective garde encore le frais souvenir de la transformation des mosquées en porte-voix des discours intégristes devenant des salles de meetings quasi quotidiens pour les dirigeants du parti dissous. Pas moins de 40 000 lieux de culte ont été fermés pour avoir servi de lieux de propagande politique. La loi 91/81 a formellement interdit à l'imam de reproduire des discours partisans, or Ghlamallah l'exhorte aujourd'hui à bien distiller le discours appelant à aller voter. L'attitude du ministre des Affaires religieuses et des Wakfs n'est autre qu'une preuve du zèle, dont aura fait preuve de tout temps le pouvoir algérien qui, depuis sa création, n'a cessé d'utiliser le minbar en perchoir pour louer les bienfaits de sa politique. Mais aller jusqu'à dire, comme Ghlamallah, que l'abstention « va à contre-sens des valeurs prônées par notre religion », c'est faire le pas de trop et tenter de jouer avec le feu en ces temps où la violence devient un prétexte à tout. Comme les partis islamistes, Ghlamallah mêle préceptes religieux et concepts purement politiques. Il qualifie le prochain scrutin de « Choura », auquel tous les citoyens devront participer. On manque de peu d'entendre le ministre dire que l'abstention est kofr (impiété), puisqu'il a même osé lancer, en parlant de la prochaine échéance électorale, que Satan est derrière les voix de la discorde. Va-t-il encore sortir le fameux disque de « yadjouz » et « la yadjouz », qui a fait tant de mal dans ce pays, qui n'a que trop souffert de voir s'entredéchirer ses enfants ? Obnubilé par le nombre de 14 millions de fidèles que peuvent réunir les mosquées, le ministre semble ne penser qu'au formidable outil de propagande que cela peut constituer pour servir la ouhda thalitha. Mais à quel prix, Monsieur le ministre ?