Alors que l'on venait d'apprendre, hier matin, la mort de Mohamed Merah, l'auteur présumé de la tuerie de Toulouse et de Montauban, la présidente du Front national n'a pas trouvé mieux que d'appeler les musulmans français à la rejoindre dans son combat contre le fondamentalisme musulman. Cela prêterait à sourire si la situation n'était pas tragique. Paris de notre correspondante Invitée de l'association de la presse étrangère (une invitation programmée depuis plusieurs jours déjà), la candidate du Front national à l'élection présidentielle, Marine Le Pen, pouvait se frotter les mains. Le drame de Toulouse la servait médiatiquement de manière inespérée. Une affaire qui la conforte dans ses opinions les plus virulentes sur l'islam sous couvert de la lutte contre le fondamentalisme. «Le criminel de Toulouse a été abattu. C'est une fin prévisible puisqu'il avait annoncé lui-même qu'il mourrait les armes à la main, comme le font les fondamentalistes qui s'explosent avec leurs bombes et font le maximum de victimes», dit-elle alors qu'il lui était demandé de commenter la nouvelle dont on venait de prendre connaissance. Marine Le Pen en profite pour accuser la classe politique française et l'Exécutif : «Depuis le début de cette campagne, le problème de la sécurité et du fondamentalisme a été évacué (…) des thèmes majeurs correspondant à une vraie préoccupation des Français.» «Cela fait dix ans que je réitère que le risque islamiste est sous-estimé dans notre pays», et qu'«il faut lutter contre la radicalisation de l'islam, contre ceux qui portent une parole de haine.» Arrive la première question des journalistes à la présidente du Front national : cette affaire ne va-t-elle pas stigmatiser la communauté musulmane de France ? «En aucun cas», réplique Marine Le Pen et de soutenir qu'elle a été la première à dire qu'il faut se garder de faire des amalgames : «La classe politique a fait un mauvais calcul au motif qu'il ne faut stigmatiser personne. En refusant de stigmatiser le fondamentalisme, on le banalise.» Et voilà l'amalgame, distillé avec habileté, dont Marine Le Pen se défend. Et, cynique, elle fait appel aux musulmans pour se joindre à elle dans le combat qu'elle mène contre le fondamentalisme. La démarche est insidieuse et tendancieuse. Pourquoi ne pas les appeler ouvertement à voter pour elle alors ? «Les musulmans sont attachés aux valeurs républicaines de la France, à nos mœurs, ce sont les premières victimes de la radicalisation qui monte dans les quartiers.» Et surtout, oh surprise : «Je ne vois pas qui peut la défendre mieux que moi !» Rien que cela. La responsable du Front national continue, avec assurance : «J'ai assez d'informations pour vous dire que la piste néonazie était un leurre. Au moment où cette piste était instrumentalisée par certains médias et certains politiques, on savait déjà que le profil du tueur n'était pas celui d'un néonazi.» Et, sans sourciller, cette contrevérité : «Depuis 30 ans, tous les attentats contre des juifs sont le fait d'islamistes.» Nous lui faisons remarquer que les musulmans de France ou d'ailleurs ne l'ont pas attendue pour condamner les violences et crimes commis au nom de l'islam, qu'ils vivent paisiblement leur culte, que les responsables musulmans de France ont dénoncé sans équivoque la tuerie de Montauban et de Toulouse et que les représentants de la communauté juive se sont joints à leurs pairs musulmans pour mettre en garde contre tout amalgame. Et enfin que la meilleure chose que la droite et le Front national pourraient faire au bénéfice de toute la société française et de ceux qui vivent en France, ne serait-ce pas d'arrêter de stigmatiser les musulmans et leur religion. Jouant sur les mots, elle nous affirme que le terme de communautés n'est pas le sien, qu'il n'y a qu'une communauté, c'est la communauté nationale, et que ses membres sont tenus de respecter les lois de la République, comme si les musulmans étaient en dehors des lois. «Il n'y a pas d'amalgame. Il n'y a qu'un risque», celui de «confondre fondamentalistes et musulmans». Que Madame Le Pen commence à s'appliquer cette conduite à elle-même. Faut-il la renvoyer à ses propres discours et déclarations ?