Ce sont eux qui l'ont dit, ces policiers qui ont sauvagement tabassé une jeune journaliste venue couvrir une manifestation évidemment interdite, «ce n'est rien à côté de ce qu'endurent les Palestiniens». Cette terrible phrase, à l'origine produite par les policiers frappeurs pour relativiser la répression ordinaire de la République algérienne (il vaut mieux être tabassé par les siens que tué par des colons), est un horrible raccourci. Mais qui donne une autre vision de l'affrontement entre la société revendicatrice et l'ordre chargé d'aplanir par des coups de tôlier la carrosserie de la disparité. Selon ces policiers, leur fonction représenterait donc Israël et les nombreux manifestants qui défient quotidiennement l'ordre dans les rues d'Alger les Palestiniens. Un constat premier pourrait conforter cette scandaleuse vision : aucune perturbation à Alger ou ailleurs n'est permise et rien ne doit bousculer la lente dérive des autorités vers le néant, quitte à marcher sur des corps de femmes, de médecins ou de militaires à la retraite. De fait, cette sauvagerie banalisée, cette longue succession de coups et blessures infligés à des manifestants qui ne font qu'utiliser leur droit constitutionnel, devait en arriver là ; le coup de trop conjugué à la phrase de trop. Les policiers impliqués ont été sanctionnés, peut-être d'ailleurs pour cette phrase et non pas pour avoir tabassé une jeune femme sans défense, car ce n'est ni la première fois ni la dernière qu'un manifestant ou un observateur est maltraité. Israël a contre lui l'éthique, le meurtre aveugle et l'infamie de la dépossession. La Palestine a pour elle la morale, la justice et la cause. On pourrait s'offusquer de cette ignoble comparaison entre la police algérienne et les forces coloniales israéliennes. Mais si c'est la police elle-même qui le dit, il ne faut pas la contredire. Sous peine de se voir tabassé à son tour.