Vous avez de l'argent. Qu'attendez-vous pour accélérer les réformes structurelles ? Si vous ratez cette conjoncture exceptionnelle, il sera trop tard après. » C'est le message que tente de faire passer la Banque mondiale auprès des décideurs algériens dont elle ne comprend pas la frilosité, du moment qu'ils disposent du nerf de la guerre. L'institution internationale recommande avant toute chose d'« améliorer le climat d'investissement », voie royale, à ses yeux, pour résorber le chômage. Certes, l'Algérie ne peut plus continuer à traîner l'image d'un pays lourdement retardataire en matière de réformes économiques : absence quasi totale de marchés financier, immobilier et foncier, bureaucratie tentaculaire, hypercentralisation de l'Etat, privatisation en panne... Mais ce n'est pas l'argent seul qui peut servir d'aiguillon : s'il est nécessaire, il est loin d'être suffisant. La Banque mondiale ne souligne pas suffisamment le rôle essentiel de la modernité politique dans le passage d'une économie archaïque à une économie développée. Bien de pays dans le monde sans grandes ressources ont pu sortir de la précarité par l'engagement - et le courage - de leurs dirigeants. La politique, ils l'ont mise totalement, sans calcul ni tergiversation, au service du développement, ce qui est loin d'être le cas en Algérie où elle a servi fondamentalement à maintenir sous perfusion un système dépassé et gangrené : parce qu'il a permis à des idées et à des hommes de continuer à se pérenniser, on se garde bien de balayer les anciennes mœurs et pratiques politiques bâties sur la rente et pour la rente, quitte par moments et par endroits à redorer la façade du système. Les mesures d'« ouverture économique » introduites ces dernières années et que prolongent les récents programmes dits d'appui à la relance sans être insignifiants n'ont pas changé la face de l'Algérie puisque celle-ci est toujours hideuse avec ses neuf millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, son chômage effarant et sa dépendance totale de la seule source de revenus que sont les exportations d'hydrocarbures. Pour s'en sortir et répondre aux multiples et cruels défis de la mondialisation, le pays a besoin d'une autre politique, bâtie sur une ouverture démocratique, celle qui libère les hommes et les idées. N'étant plus en otage, la sphère économique se mettra naturellement à produire du développement. Le régime actuel n'a pas encore prouvé sa volonté de se remettre en cause et de rompre avec le passé, et cela laisse sceptique sur le sort de l'économie algérienne et sur ses milliards de dollars. A moins que...