Même si ouvertement le MSP et El Islah recourent à des termes crus pour se qualifier mutuellement, il reste que leurs objectifs convergent. Les réformes de l'école et de la famille continuent de susciter des réactions contradictoires, au sein de la société. Depuis quelques mois, la tension est montée d'un cran chez les islamo-conservateurs, indisposés par les projets de réformes initiés par le président de la République. C'est le cas des formations islamistes, en particulier le mouvement El Islah et le Mouvement de la société pour la paix, qui se sont livrées, au cours de ces derniers jours, à une véritable polémique autour du nouveau code de la famille. Cette guerre muette, même si elle ne touche pas l'essentiel, à savoir le rejet «dans le fond et dans la forme» du projet du gouvernement, par les deux formations, il reste que l'attitude de Abdallah Djaballah, reprochant à ses «frères» du MSP de s'être joint à une alliance qui privilégie le projet «laïc» n'est en réalité qu'une manoeuvre destinée à faire diversion. En effet, les deux formations islamistes ne dérogeront jamais à la «tradition» du partage des rôles. Connu par sa stratégie participationniste, le parti de feu Mahfoud Nahnah n'a pas l'intention de sacrifier la moindre parcelle du pouvoir sur l'autel de considérations politiciennes d'opposition. La collusion entre les deux partis islamistes va se confirmer lors de l'examen et du vote du projet de code de la famille. L'on se rendra alors compte, à cette occasion, que l'alliance contre nature scellée entre le RND, le MSP et le FLN, n'est en réalité qu'une initiative chimérique. A titre d'exemple, la révision du code de la famille a failli, à plusieurs reprises, faire éclater l'alliance présidentielle, en raison de l'opposition de la formation de Soltani aux amendements apportés par le gouvernement. Ces derniers avaient même parlé, et c'est là l'une des réserves formulées par Djaballah, lors de sa dernière conférence de presse, de falsification du projet de la commission Boutarène. Un pied dans l'opposition-le MSP s'étant joint à toutes les initiatives lancées depuis le début de l'ouverture démocratique en Algérie-et un autre dans le pouvoir, le MSP a de tout temps ménagé la chèvre et le chou. Faire de l'opposition à travers son frère-ennemi, qui défend les mêmes thèses et infiltrer le tissu institutionnel de l'Etat, par le placement à des postes clés de ses militants et sympathisants. D'ailleurs, l'élimination en 1999 de Mahfoud Nahnah de la course à la magistrature suprême, en raison de la non-justification de sa qualité de membre de l'ALN, n'a pas empêché cette formation politique d'apporter son soutien au candidat Bouteflika. Ce qui lui a permis, plus tard, de siéger au gouvernement. Une position que le parti a conservée lors de la réélection du chef de l'Etat. La formule du MSP est simple: il s'agit de joindre «l'utile», à savoir préserver ses intérêts au niveau des institutions de l'état en décrochant le maximum de portefeuilles, à «l'agréable», c'est-à-dire défendre son projet de société «historique» qui consiste en l'édification d'un Etat islamique, cher à Abassi Madani et Ali Benhadj. Ainsi, aux yeux des formations islamistes, tout projet tendant à moderniser la société est synonyme de violation de la chariaâ et de non-respect de ses préceptes. La moralisation de la société, la guerre totale contre les partis laïcs, l'arabisation de l'enseignement, la préservation du caractère «authentique» de la famille algérienne...et la femme occupent une place de choix dans leurs discours politiques. Aucune alternative en matière économique et sociale, ce qui a de tout temps constitué le point faible des formations islamistes. Par ailleurs, même si ouvertement le MSP et El Islah recourent à des termes crus pour se qualifier mutuellement, il reste que leurs objectifs convergent. Leurs positions par rapport à la réforme de l'école et du code de la famille cachent mal le jeu des rôles auxquels s'adonnent les deux «fréres-ennemis». D'ailleurs, le président d'El Islah est allé jusqu'à déclarer que la nouvelle mouture du code de la famille sera combattue par tous les moyens pacifiques. Des moyens légaux, à commencer par s'associer avec le groupe parlementaire du MSP pour faire avorter le projet du gouvernement. Une alliance qui serait motivée par le souci de défendre la famille algérienne «des forces proches de l'Occident qui sont derrière ces attaques contre les fondements de l'islam» indique Djaballah. Un discours qui à des nuances près, a été développé par le président du MSP, à l'occasion d'un meeting organisé, vendredi dernier, à la salle Ibn Khaldoun. Pour Bouguerra Soltani «les amendements du gouvernement sont une incitation à la rébellion de la population». Avant d'ajouter que les modifications apportées vont provoquer la fitna entre l'homme et la femme. L'orateur s'était même permis de rassurer, son «frère» d'El Islah en martelant: «A ceux qui nous reprochent d'être dans l'alliance présidentielle et contre les amendements du gouvernement, nous disons que nous sommes pour un code de la famille élaboré dans le strict respect de la chariaâ islamique. Voilà qui résume, encore une fois, le ‘'destin'' commun de la ‘'famille'' islamiste».