Le ton et l'attitude des dirigeants des grandes entreprises françaises à l'égard de l'Algérie ont radicalement changé, positivement, cela s'entend. Fini le temps de la méfiance, de la frilosité, des atermoiements et du repoussoir sécuritaire... Est-ce parce que les deux parties ont appris à mieux se connaître, comme l'a affirmé jeudi Dominique Perben, ministre des Transports, lors de la signatures d'accords bilatéraux avec son homologue algérien, Mohamed Maghlaoui en visite de travail en France ? Est-ce parce que l'Algérie a pris des mesures à même d'offrir les conditions et le cadre d'investissements attendus par les entreprises françaises, sachant que le climat sécuritaire est rétabli ? Taraudées par une concurrence entreprenante, les entreprises françaises ont-elles enfin réalisé que le marché algérien est porteur et qu'elles doivent se positionner si elles ne veulent pas être distancées ? Les Français ont-il changé de mentalité et d'approche, voire sont-ils revenus à plus d'humilité et de pragmatisme ? Jeudi matin, au siège du MEDEF, les témoignages de responsables d'entreprises relevant du secteur des transports engagées en Algérie ou désireuses de s'y engager étaient unanimes pour décrire des conditions de travail dans un « un climat de confiance et de partage ». S'il existe un exemple où la coopération algéro-française est bien engagée, c'est celui des transports. Dans ce secteur, il est vrai que les entreprises françaises sont en position de leaders. Les 10 milliards de dollars qui reviennent au secteur des transports sur les 55 milliards de dollars dévolus au plan quinquennal de relance économique ((2005-2009) représentent des opportunités d'affaires extrêmement alléchantes. François Périgot, président de l'organisation internationale des employeurs et président d'honneur du MEDEF international, qui co-présidait une réunion-débat avec le ministre algérien des Transports, jeudi matin au siège du MEDEF, l'a affirmé clairement : « Ce sont des opportunités pour nous, entreprises françaises. Nos atouts ne sont pas suffisamment exploités, nous laissons trop de place à nos concurrents. » Et il rappelle que ce sont 75 entreprises qui ont souhaité être présentes à cette rencontre-débat avec le ministre algérien des Transports. Mohamed Maghlaoui a apporté un éclairage sur les actions et mesures entreprises en Algérie dans le cadre des réformes de l'économie nationale, précisant : « Le processus de réformes et de privatisation a peut-être marqué le pas à cause de la situation sécuritaire du pays », mais « cette situation est dépassée ». Et aussi : « Toutes les mesures sont prises pour que les projets soient réalisés avec des contraintes raisonnables », a assuré le ministre, balayant les dernières inquiétudes d'hommes d'affaires français. Mohamed Maghlaoui a précisé que le dispositif juridique du secteur des transports - fortement monopoliste - n'a pas évolué rapidement, des travaux sont en cours pour que des textes réglementaires soient adoptés rapidement. Il a souligné que l'Algérie a décidé en toute souveraineté et en dehors de la concurrence de confier la réalisation du métro d'Alger à des entreprises françaises, ainsi que l'électrification du réseau ferroviaire de la banlieue d'Alger et la gestion du nouvel aéroport d'Alger (qui entrera en activité en avril) qui a été confiée à ADP. Les dix milliards de dollars revenant au secteur des transports couvrent la modernisation et l'extension du réseau ferroviaire, le renforcement du transport collectif urbain, la modernisation du contrôle radar et du contrôle de trafic maritime, la construction de trois tramways, du métro d'Alger, de 7 téléphériques, de gares de grandes dimensions, modernisation et extension des ports existants, réalisation de nouvelles infrastructures portuaires... Le secteur des transports fait partie des secteurs proposés au partenariat. « L'investissement dans les transports de masse va nous amener à recourir à un partenariat en matière de gestion », a indiqué Mohamed Maghlaoui. Une expérience de train de banlieue va être faite dans les prochains mois. Un mandat de gestion sera confié à une entreprise privée. Le transport interurbain par autocars est ouvert sur simple autorisation à une entreprise de droit algérien, a-t-il indiqué à l'adresse du représentant de Veolia Transports qui l'interrogeait sur les possibilités d'investissement dans cette activité. « Vous pouvez vous constituer en entreprise de droit algérien. » Le ministre a précisé que l'Algérie n'est pas décidée à privatiser le chemin de fer, mais celui-ci « peut être mieux valorisé et bénéficier de l'expérience des autres dans son exploitation et sa gestion ». A une question sur le développement d'entreprises privées dans le transport aérien, le ministre a évoqué une expérience qui n'a pas réussi et que durant les trois à quatre années à venir, le marché restera entre les mains de Air Algérie - qui est engagée dans une restructuration de ses activités sur la base de filiales - et de Tassili Airlines. « Nous ne voulons pas de d'installation de compagnies qui ne respectent pas les règles de sécurité et de sûreté. Nous sommes pour l'ouverture mais nous prenons notre temps. » Il ajoutera que l'ouverture au capital d'entreprises symboliques comme Air Algérie est envisageable. « Une grande ouverture, un climat très fluide » Des hommes d'affaires français témoignent de conditions de travail dans « un climat de confiance », « de partage ». D'autres évoquent le souhait de leurs entreprises de s'installer de manière plus pérenne en Algérie, à l'exemple de SYSTRA (ingénierie de transport), présente en Algérie depuis vingt ans, ou de Thalès International (électronique professionnelle). Jacques Lamotte, PDG de Bombardier Transport (constructeur de matériel ferroviaire roulant) évoque « une grande ouverture, un climat très fluide ». Le directeur commercial et marketing de Siemens Transportation Systems (ferroviaire), Olivier Sagot, témoigne d'« une plus grande efficacité administrative. C'est récent ». « L'Algérie est un marché immense, ses besoins sont importants. Nous formons beaucoup de personnes pour les mettre à un bon niveau d'expertise. Les Français sont très bien accueillis, nous rencontrons quelques petites difficultés administratives, on y arrive », a témoigné Olivier Laporte Many, directeur Transports du bureau d'études INGEROP qui est installé depuis cinq ans en Algérie avec une filiale de droit algérien comptant 17 personnes, œuvrant dans le cadre de la réalisation du métro d'Alger. « J'ai vu Alger bouger tous les jours. Ce que les Algériens attendent de nous, c'est un transfert de technologie. Le pays évolue, les entreprises peuvent s'installer, les expatriés peuvent y vivre. Il existe un climat de confiance entre l'Algérie et la France », affirme, pour sa part, Jean-Yves Carrasco, directeur du bureau Aéroports de Paris Managment à Alger. Michel Lallement, président du directoire de l'entreprise Razel (génie civil), a relevé : « Un tel développement, une telle puissance de l'Algérie pour avancer, que les entreprises françaises sont à même d'emporter dans un climat de concurrence des marchés intéressants. Le climat a changé, les méthodes de travail ont changé. » Le représentant de Bouygues Construction émet un satisfecit et de considérer : « Enfin, on travaille d'égal à égal du côté français. » « Ce qui se passe dans les transports - reflet d'une volonté politique - doit se passer dans d'autres secteurs » a conclu le président d'honneur du MEDEF International, François Périgot. « Je retiendrai la volonté des entreprises françaises d'être présentes et même si elles sont excellentes, elles ont des concurrents. Elles manifestent leur confiance ; aucune ne parle d'aspects négatifs. »