Le visage rayonnant de bonheur, le regard tendre et malicieux qu'on lui connaît, la répartie brillante et spontanée, Smaïn, l'humoriste né dans la tourmente, à Constantine, qui se définit comme un pur produit des deux rives, «une véritable ambiguïté», a animé hier, à l'hôtel Panoramic de Constantine, en compagnie de son ami Georges Morin (autre natif de Constantine), une conférence de presse à bâtons rompus. «J'ai toujours refusé d'être un porte-drapeau ou un alibi, ma vie est un miracle, je n'ai jamais oublié d'où je viens, d'où ma présence de plus en plus fréquente en Algérie. J'essaie humblement d'être cet espèce de transfert entre les deux rives, un trait d'union, car la douleur n'a pas de nationalité», dit-il. Il précise qu'il n'a rien à voir avec la politique et qu'il est venu dans le cadre du Festival du conte, à l'initiative de l'association Kan Ya Ma Kan, ajoutant que c'est cela, peut-être, qui fait de lui un homme sincère : «On peut bien parler et dire des mensonges, mais la vérité vient du cœur ; je laisse aux historiens le soin d'écrire l'Histoire, même si je me pose des questions : pourquoi cette guerre d'Algérie, pourquoi ma naissance à Constantine, pourquoi ce fameux ‘Je vous ai compris', pourquoi encore ce déchirement des deux côtés… Il faut construire, aller de l'avant, les Français et les Algériens sont comme deux frères qui se boudent, mais qui sont condamnés à manger dans la même assiette.» Smaïn se raconte avec brio, avec son humour habituel, qui est comme un garde-fou contre le pathos sentimental. Pour lui, l'Algérie et la France ont fait beaucoup pour lui, il les aime également, au-delà de toute autre considération. «La vie est une affaire très intéressante et chacun y a son rôle à jouer, le mien c'est de faire rire, c'est une manière de désarmer les autres», affirme-t-il. Mais il assure également avoir une conscience aigue de l'actualité, des enjeux : «L'Algérie a eu un geste plein de dignité en refusant de faire inhumer Mohamed Merah sur sa terre. Il est Français, que la France l'assume.» Georges Morin, président de l'association française Coup de Soleil, eet à l'origine du jumelage des deux villes de Constantine et Grenoble. Il va dans le même sens, déclarant sans ambages : «L'Etat français s'honorerait en reconnaissant, avec des mots simples, l'indignité de son système colonial, dont je suis moi-même, en tant que pied-noir, le produit et la victime ; oui pour la repentance, bien que ce mot ait plus un sens religieux ; il y a nécessité absolue de regarder l'avenir ; je suis fier d'être Algérien.»