Heureusement qu'il existe encore des êtres comme notre cher collaborateur et ami, Merzac Bagtache, pour nous parler de printemps, d'oiseaux et de poésie avec sa désinvolte érudition de polyglotte et sa passion d'écrivain (lire page 15). Ce faisant, il nous invite à considérer ces «choses-là» comme aussi importantes que la géostratégie ou l'actualité, bien qu'il ne rechigne pas à en parler parfois, sans mâcher ses mots. La géostratégie passe, l'actualité trépasse. Mais le cours de la vie humaine, depuis la nuit des temps, poursuit ses propres rythmes, celui des hommes, à leurs différents âges, et celui des saisons, dans leurs successions. Bien sûr, tout cela n'est plus si immuable. Les adultes s'infantilisent sans savoir garder l'étonnement de leur enfance. Les enfants grandissent plus vite que leurs premiers boutons d'acné. Quant aux saisons, elles sont assez chamboulées pour qu'on n'en sache plus le commencement et l'achèvement. Mais est-ce une raison pour délaisser des valeurs et repères sans lesquelles nous ne serions que des girouettes désabusées ? Dans les sociétés de surinformation qui, à des degrés divers, sont le lot du monde entier, nos yeux, nos oreilles et nos esprits sont constamment irradiés par les nouvelles économiques, politiques, sociales, généralement peu folichonnes, sinon désespérantes. Il faut savoir, tout savoir, savoir sans cesse et tout de suite ! Jusqu'à s'oublier soi-même dans le déferlement médiatique. Un voisin, accro à la cocaïne des chaînes d'information continue, me parlait dans le parking de je ne sais quel événement qui venait de se produire à l'autre bout du monde, un quart d'heure auparavant ! Je venais de garer, fatigué d'une journée de labeur et d'embouteillages. Je me suis mis à penser à mon père qui m'avait raconté comment sa génération avait suivi la Deuxième Guerre mondiale. Ils recevaient les informations avec un retard inimaginable aujourd'hui. Interne à Constantine, il avait appris avec ses amis la retraite de l'armée allemande de Russie seulement deux ou trois jours après son début. Mais ces différés ne les avaient pas empêchés d'être complètement impliqués dans leur temps, engagés dans leurs convictions et combats. Alors qu'aujourd'hui on ingurgite des millions de décibels et de pixels d'informations dans une royale passivité. Cette profusion, qui ne fait aucune part entre l'important et le dérisoire, le durable et le conjoncturel, crée sans doute une overdose, nous faisant atteindre un seuil limite de curiosité et d'indignation. Peut-être aussi, plus que tout cela, c'est notre coupure avec la nature et les choses simples de la vie, comme les gerfauts de notre ami Merzac, qui en est la cause. Pendant que mon voisin me parlait – qu'il m'en excuse –, je me suis aperçu que les mimosas de la cité avaient fleuri. Et je me suis senti bien. Jusqu'aux prochaines infos !