En l'absence d'une réglementation du marché, ce tubercule, ami du pauvre, a atteint des prix qui dépassent l'entendement. Depuis plus de 3 semaines, dans tous les marchés de la région de Biskra, le prix de la pomme de terre continue de défrayer la chronique. Les prix affichés dernièrement sur les étals vont de 75 à 95 DA pour un produit qui provient la plupart du temps de la wilaya voisine, El Oued. Les fellahs d'El Oued, que nous avons contactés, et qui produisent sous pivot et en plein champ, une pomme de terre rose de qualité supérieure, à la peau fine, récoltée à la main, jurent qu'ils ne sont pour rien dans cette envolée des prix. Ils nous conseillent plutôt «d'aller voir du côté des propriétaires des chambres froides où d'énormes quantités y sont stockées par des gens sans scrupules et qui les écoulent au compte-gouttes». A Tolga, un producteur de dattes très connu, qui possède plusieurs chambres froides, nous a assuré que plusieurs spéculateurs et autres marchands de l'informel l'ont approché et tenté de l'amadouer pour qu'il veuille bien, contre monnaie sonnante et trébuchante, stocker leurs pommes de terre dans son entreprise. «Bien entendu, (il) a refusé», car, nous a-t-il expliqué, il craignait que les tubercules non traités contaminent sa prestigieuse Deglet Nour, destinée exclusivement à l'exportation, et en plus il ne voulait pas que l'organisation du travail de son entreprise soit perturbée par les va-et-vient de leurs camions. L'on peut imaginer que ce n'est pas le cas d'autres producteurs possédant des chambres froides, pourtant édifiées avec des crédits de l'Etat. A propos de l'Etat, les représentants locaux du ministère de l'Agriculture se contentent de nous rappeler que dans une précédente déclaration à la presse, le ministre a assuré que les prix de la pomme de terre « doivent revenir à leur niveau habituel, notamment à la faveur de la reprise de la récolte, bloquée pendant des semaines par les dernières intempéries». La folie a gagné tous les produits En attendant, la mercuriale est en furie. La tomate, la belle Marmande d'une demi-livre, produite dans les serres implantées à quelques encablures des quartiers périphériques de la Reine des Ziban, qui ne coûtait que 15 DA le kilo, est aujourd'hui à 100 DA. Le père de famille et la ménagère aux revenus modestes restent perplexes devant l'impunité dont bénéficient les spéculateurs, les marchands et autres vendeurs informels qui, sous prétexte que les prix sont libres, font régner leur loi. Depuis quelque temps, même les bananes importées n'échappent pas à cette flambée. Elles ont vu leur prix se multiplier par 2 en quelques semaines, pour atteindre les 220 DA le kilo. Quoi qu'il en soit, selon nos interlocuteurs, dans les prochaines semaines il n'y aura ni ralentissement dans les prix, ni une quelconque baisse, notamment pour la pomme de terre. Faute d'une intervention vigoureuse des pouvoirs publics, sur fond de bruits persistants de l'imminence d'une grève nationale des grossistes et autres mandataires patentés, les agriculteurs de la région continueront à céder leurs produits maraîchers, particulièrement la pomme de terre, au plus offrant parmi les spéculateurs et autres marchands de l'informel avec, à la clé, l'acheminement de ce tubercule, à l'instar de la Deglet Nour, vers la frontière tunisienne où elle est bradée ou troquée contre d'autres produits alimentaires tunisiens et/ou étrangers dont raffolent les Algériens.