Les textes d'application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale ne sont pas remis en cause. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme (CNCPPDH), en est sûr. « Il y a eu du retard dans la promulgation de ces textes, mais cela ne les remet pas en cause », a-t-il souligné, hier, lors de son passage dans l'émission « Question de l'heure » de la Chaîne III. Précisant n'avoir pas participé à leur élaboration, Ksentini atteste néanmoins que « ces textes seront promulgués par décret présidentiel », ce qu'il considère comme « bien en soi dans la mesure où cela peut nous faire gagner du temps ». Le président de la CNCPPDH dit ne pas connaître cependant la date de leur promulgation, mais précise tout de même qu'il n'y a « pas de date butoir ». Selon la Constitution, le président de la République ne peut légiférer par ordonnance qu'entre les deux sessions parlementaires. La session du printemps ouvrira ses portes le 4 mars prochain. Pour ce faire, il ne reste donc au Président que deux semaines. Le fera-t-il ou prendra-t-il encore du temps ? Les textes sont-ils déjà prêts ? M. Ksentini n'a pas de réponse. Selon lui, le retard enregistré dans l'élaboration de ces textes est explicable : « Ce sont des textes délicats dont la rédaction peut poser de sérieuses difficultés. Il faut donc y être très attentif. » La délicatesse de ces textes se trouve, d'après lui, dans le fait qu'il y a des traitements au cas par cas concernant les repentis. « Les cas de figure des terroristes, qui se sont rendus, ne sont pas semblables. Certains cas sont très compliqués, ce qui fait qu'il est extrêmement difficile de faire la part des choses », a-t-il expliqué avant d'ajouter qu'il y a aussi le souci de clarté et d'applicabilité des textes. N'y a-t-il pas un blocage d'ordre politique derrière ce retard ? « Tout est possible », répondra-t-il, trouvant normal qu'il y ait « des réticences ». Revenant à la place réservée dans ces textes à la question des disparus, le président de la CNCPPDH évoque le rapport de la commission ad hoc qui a été remis au président Bouteflika le 31 mars 2005. « Nous avons fait dans ce rapport des propositions pour régler la question des disparus », a-t-il indiqué. M. Ksentini est convaincu que ces propositions constituent une base pour l'élaboration d'un « texte consistant et important ». D'après lui, ce texte définira le mode de l'indemnisation des familles des disparus, le montant de ces indemnités et les personnes qui y sont éligibles. Il estime que les familles des disparus ont besoin de réparation matérielle. « Certaines vivent dans un dénuement total. Il leur faut des indemnités substantielles », a-t-il souligné tout en précisant que 77% des 5000 familles de disparus ont accepté d'être indemnisées. « Même les organisations des familles de disparus disent qu'il s'agit d'un droit », a-t-il ajouté. Il rassure, en outre, que le fait de percevoir des indemnisations n'empêchera pas les familles d'aller devant la justice pour connaître la vérité sur le sort de leurs proches. Il s'est même engagé à assister toute famille de disparu qui voudrait intenter une action judiciaire. Seulement, pour lui, connaître la vérité relève de l'impossible. « Pour dire la vérité, il faudra la cerner. Or il est quasiment impossible de cerner la vérité au cas par cas, compte tenu du chaos dans lequel a été jeté ce pays pendant plusieurs années », a-t-il observé. Revenant sur les déclarations de Madani Mezrag (chef de l'ex-AIS, organisation terroriste du FIS dissous) sur les crimes qu'il a commis, M. Ksentini dit avoir douté fort que cet ancien terroriste ait tenu de tels propos. « En l'état actuel des choses, je ne pense pas qu'il puisse tenir de tels propos. Il s'agit d'une personnalité qui a milité et travaillé pendant des années pour la réconciliation », a-t-il indiqué tout en soulignant que Mezrag bénéficiera des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Abordant la question des caricatures du Prophète Mohamed, l'invité de la Chaîne III s'est dit scandalisé par cette affaire. « Ce qui m'a le plus scandalisé, c'est le soutien de certaines personnalités à ce caricaturiste danois au nom de la liberté d'expression, comme s'il s'agissait de la mère de toutes les libertés. Or qu'en face de la liberté d'expression, il y a la liberté de la conviction. Il est du droit le plus strict des musulmans d'être respectés dans leur conviction », a-t-il déclaré, regrettant cependant que la riposte des pays musulmans soit si désordonnée et si disproportionnée. Il estime aussi que les actes de violence ont nui plus qu'ils ont servi la cause des musulmans, qui est de faire respecter leur conviction. Il plaide pour une résolution onusienne interdisant l'atteinte aux symboles de l'Islam. Au chapitre de la situation des droits de l'homme, l'invité de la Chaîne III apprécie l'avancée enregistrée, ces dernières années, en la matière. « Certes, il y a encore des défaillances, mais la situation n'est plus ce qu'elle était auparavant », a-t-il martelé. Selon lui, il n'y a plus de torture dans les commissariats depuis 2004. S'agissant de la réforme de la justice, il dira : « Les choses s'améliorent. » Idem pour les conditions carcérales.