Acculé dans ses derniers retranchements, c'est à reculons que le régime de Damas a commencé hier à appliquer les clauses du «plan Annan» prévoyant notamment le retrait de son armée des grands centres urbains. A reculons parce que tout en ordonnant le retrait de certaines de ses unités stationnées à Homs, il en a laissé d'autres poursuivre le siège de certaines localités. C'est là, le constat dressé par le Kofi Annan lors d'une déclaration faite au terme d'une visite de camps de réfugiés syriens implantés dans le sud de la Turquie. «L'armée syrienne se retire de certains endroits mais se déplace dans d'autres qui n'étaient pas visés auparavant», a-t-il fait savoir tout en qualifiant d'«inacceptables» les nouvelles conditions posées par Damas pour respecter un éventuel cessez-le-feu. Devant le flot d'informations toutes aussi contradictoires les unes que les autres en provenance du terrain, il était cependant difficile de juger de la bonne foi des autorités syriennes qui ont été, encore une fois, accusées par l'opposition et quelques capitales occidentales (Paris, Londres, Rome et Berlin) de faire dans la manœuvre dans le seul but de gagner encore du temps. Face à la confusion ambiante, la Maison-Blanche a profité pour accentuer la pression sur la Syrie et ses partenaires. Washington a ainsi affirmé espérer que le Conseil de sécurité de l'ONU agirait vis-à-vis de la Syrie si l'émissaire international Kofi Annan concluait que le régime de Damas ne respectait pas ses engagements en vue d'un cessez-le-feu. De son côté, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a assuré que son pays avait bien commencé à appliquer le plan de l'émissaire international Kofi Annan. «J'ai informé mon collègue russe des initiatives que la Syrie entreprend pour montrer sa bonne volonté dans l'application du plan Annan», a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse à Moscou avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. «Nous avons déjà effectué le retrait de certaines unités de certaines villes», a ajouté M. Mouallem. Parmi les autres mesures prises dans le cadre de l'application du plan Annan, le chef de la diplomatie syrienne a cité «la libération de certaines personnes qui ont participé à des troubles», précisant néanmoins que «le cessez-le-feu doit commencer avec l'arrivée d'observateurs internationaux». Sur un autre plan, Walid Mouallem a voulu se laver les mains concernant un éventuel échec du «plan Annan». Et si échec il y a, il serait à imputer, selon lui, en premier lieu aux «groupes armés qui ont intensifié leurs attaques dans différentes régions de Syrie». Moscou interpelle Damas qui accuse Ankara A ce propos, il n'a pas raté l'occasion d'accuser la Turquie de saper les efforts de la communauté internationale en aidant les rebelles à se livrer au trafic d'armes vers la Syrie. «La Turquie héberge des groupes armés, a installé des camps d'entraînement et leur permet de franchir la frontière illégalement et de se livrer au trafic d'armes (vers la Syrie) à partir de son territoire», a-t-il affirmé, soulignant que cela était en contradiction avec le plan Annan. Mais devant le peu d'empressement mis par Damas pour mettre en œuvre le plan sponsorisé par l'ONU et la Ligue arabe, la Russie n'a aussi pas hésité à exiger de son allié syrien à se montrer «plus actif» et «plus ferme» en la matière. «Nous exigeons avec insistance de la part de nos collègues syriens qu'ils appliquent strictement les engagements du plan de Kofi Annan», a souligné le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov, avertissant tout de même que «le succès ne sera possible qu'avec le concours de tous les autres membres de la communauté internationale qui ont une influence sur la situation en Syrie», a-t-il ajouté. M. Lavrov a, dans ce contexte, demandé à l'émissaire international Kofi Annan à intensifier la pression sur l'opposition syrienne au cours d'une conversation téléphonique avec ce dernier. «Lavrov a particulièrement souligné que l'opposition syrienne et les pays qui la soutiennent devaient prendre des mesures urgentes pour assurer l'arrêt des violences en appelant Annan à intensifier le travail avec eux dans cette direction», selon un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères. Concernant particulièrement ce chapitre, il semble aussi qu'il y ait du travail à faire dans la mesure où une partie de la rébellion armée ne semble pas trop accorder de crédit au plan Annan. C'est le cas notamment des Frères musulmans, très influents au sein de l'opposition, qui estiment que la feuille de route onusienne accordait «un permis de tuer au régime de Bachar Al Assad». En décodé, cela peut vouloir dire qu'ils ne se sentent pas concernés par le processus en cours. Bref, dans l'échiquier syrienne tout le monde semble vouloir jouer les temps morts. Le tout est de savoir s'il y a vraiment quelqu'un pour siffler la fin de la partie.